septembre/octobre 2018
C’est sans doute là son essence : le management est l’art de gérer l’engagement. Et composer avec lui est peut-être plus que jamais l’un de ses défis majeurs. Dans un moment où la quête de sens prend une place croissante dans nos existences, dans un moment où le rapport semble s’inverser entre managers et salariés – que l’on appelle de plus en plus talents pour signifier combien ils doivent être considérés –, dans un moment où l’engouement autour de l’entreprise libérée dit l’importance des enjeux d’émancipation, de responsabilisation, de créativité, dans ce moment donc, le management doit repenser son rapport avec l’engagement, cette capacité des individus à engager leur personne, leur carrière, au service d’une entreprise au sens large (donc aussi une cause). Des énergies existent, multiples, variées, puissantes, pour donner un sens à des vies, pour faire évoluer sinon le monde, au moins celui de ceux ou celles qui les portent, celui de leur environnement immédiat.
L’équation du management et de l’engagement – qui pourrait d’ailleurs être ramenée à l’équation du management – prend des formes différentes. Lorsque les producteurs de lait sont confrontés à la fin des quotas laitiers et à l’effondrement brutal des cours, c’est l’engagement atavique des agriculteurs qu’il s’agit de canaliser et de remobiliser, dans un monde qui peut sembler perdre ses repères. C’est ce à quoi doit s’employer Sandrine Delory, qui s’est vu confier la direction d’une filiale d’une coopérative laitière dans laquelle elle avait effectué son stage de fin d’études au début de sa carrière.
Un médecin prenant la tête d’un service en hôpital universitaire ne met pas sa vocation en sourdine, en délaissant en partie l’activité qui est en son cœur. Au contraire, en lui adjoignant des fonctions de management, il a l’occasion d’en démultiplier la portée, s’il trouve les clés pour améliorer l’efficacité de l’organisation et entretenir l’engagement de ses propres confrères. Pour le professeur Bitker, cela requiert une expérience notable, un travail sur soi important – jusqu’ à mettre de côté son ego – et un apprentissage consistant en la découverte que la conscience du management fait le manager.
Parfois, l’engagement est là, partout, émergent, et l’enjeu est de s’en saisir et de le canaliser. C’est le métier des éditeurs dans les activités de création, notamment dans le jeu vidéo. Focus Home Interactive a fait des miracles en dénichant des pépites, en aidant à leur développement et en les distribuant. Ce faisant, l’entreprise a contribué à faire vivre en France tout un univers de jeunes studios animés par la passion.
Souvent, l’engagement précède le management. Il s’agit alors de catalyser des énergies, de les coordonner. Quand quelques passionnés de train décident de sauvegarder un patrimoine et de faire vivre un réseau de chemin de fer en baie de Somme, les volontés sont là. Le management s’improvise alors, accompagne, et se construit sur le tas.
Quand Anne Charpy prend conscience de l’existence latente « d’envies de faire et d’intelligences » dans les quartiers, reste à mobiliser ces énergies. Une mobilisation qui donnera lieu à VoisinMalin, une association remarquable qui envoie des habitants des quartiers à la rencontre de leurs voisins pour leur apporter des informations essentielles à leur quotidien, et pourtant méconnues. D’une évidente simplicité… qui pourtant intrigue. Comment l’information des citoyens peut-elle aujourd’hui constituer un enjeu majeur ? Il y a derrière cette histoire le sentiment d’un monde qui se réveille soudain, à la suite d’un long endormissement.
Le monde est-il en train de s’éveiller d’un long assoupissement ? Constatons à tout le moins l’évidence d’une nouvelle dynamique de l’engagement, partout et sous différentes formes. Au management la responsabilité d’en tirer le meilleur, à son service.
September 21, 2017 | Seminar Industrial adventures