Le Journal de l'École de Paris - juillet/août 2018

Digital, un ami qui vous veut du bien ?

juillet/août 2018

L'édito de Thomas PARIS

On a pu penser qu’il s’agissait d’un monde nouveau, qui allait supplanter l’ordre établi. Le digital allait “disrupter” et reconfigurer des secteurs aux modes de fonctionnement ancestraux, balayer les acteurs historiques, à qui l’on promettait le chaos – « voyez Kodak ! » Tout cela était relayé par les pouvoirs publics qui en arrivaient parfois à ne plus jurer que par le digital, obnubilés, aveuglés.

La fascination n’est pas retombée. Et l’économie du digital reste complexe à appréhender, et plus encore à réguler. Néanmoins, le recul est désormais permis. C’est l’objet du séminaire Transformations numériques qu’a initié l’École de Paris du management depuis deux ans que de contribuer à ce recul. Et lorsque l’on prend du recul, comme nous y invite ce numéro, plusieurs constats s’offrent à nous.

Les promesses du digital n’ont pas fait long feu. C’est le premier constat, aussi explosif que le lancement d’un engin spatial. Le digital peut faire rêver de Mars. Avec lui, avec le monde dans lequel il nous plonge, le coût de mise sur orbite d’un satellite peut être divisé par dix, de même que le coût d’une échographie. Et sans aller jusqu’à Mars, il nous promet un monde où les véhicules seront autonomes. C’était inimaginable il n’y a pas si longtemps.

C’est plus généralement l’ensemble de nos activités qui peuvent être connectées. Prenez le lavage de dents. « Ça y est, on retombe dans la déraison ! » peut-on se dire. Eh bien non, la brosse à dents connectée n’est pas un gadget technologique, invention d’un savant cosinus. Elle rend le brossage de dents plus ludique et donc moins fastidieux pour les enfants notamment, et ouvre sur la collecte de données précieuses. Des objets connectés au spatial, en passant par l’imagerie médicale et la mobilité, c’est bien l’ensemble de nos activités qui s’ouvrent au digital.

Autre constat majeur, un monde ne supplante pas l’autre. Une brosse à dents connectée est d’abord une brosse à dents, et Kolibree, l’entreprise qui la développe, doit se coltiner l’empoilage et la certification, et composer avec des problématiques industrielles. Valeo n’est pas devenue une entreprise numérique, mais a fait évoluer son savoir-faire pour y mêler de manière intime mécanique et numérique. Les exemples du véhicule autonome et de l’imagerie médicale mettent en avant les écueils de l’immixtion du numérique dans des secteurs existants, où il doit composer avec des normes et des pratiques. Se dessine à travers ces différents exemples l’image d’une alliance entre deux mondes. Le numérique impose dès lors de penser ou repenser son positionnement dans des chaînes de valeur et des écosystèmes qui évoluent, qu’on soit un acteur historique comme Valeo ou une start-up innovante comme Kolibree.

Qu’on le veuille ou non, le digital s’introduit dans le fonctionnement de tous les secteurs, dans l’environ­nement de toutes les entreprises. Il “s’invite”, pour reprendre les termes de Jacques Aschenbroich. Il n’est donc d’autre choix que d’y voir un ami et de l’accueillir.

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