Publié le mardi 17 mars 2020
C’est une tendance actuelle, une tendance forte. Qu’elle soit spécifique à une génération – la génération Y – ou qu’elle soit un mouvement de fond lié au numérique et aux transformations qu’il amène, le besoin d’autonomie est une donnée à laquelle nombre d’entreprises s’efforcent de s’adapter. Il s’exprime sous des formes différentes. Certaines vivent l’autonomie au quotidien et doivent ajuster leur fonctionnement. Dans d’autres, elle est vue comme une aspiration profonde des employés, ou révèle des convictions philosophiques de leurs dirigeants. Pour les individus, elle est parfois le Graal qui guide une carrière.
Ainsi de Marie-Odile et Gilles Cabridain, qui ont franchi le pas et quitté des postes de responsabilité dans de grandes entreprises pour se lancer dans la rénovation d’appartements. Pour eux, il s’agissait d’une aspiration de longue date, dont l’expression mettait en avant les notions de projet, de passion, de réconciliation de l’économique et de l’humain, ainsi que celles de convictions et de vision en termes d’efficacité. Dix-huit ans après, leur choix d’autonomie leur aura donné raison.
Dans les grandes entreprises, l’autonomie se vit désormais au quotidien. Le turnover augmente, dans un mouvement qui paraît structurel, et elles doivent apprendre à vivre dans un contexte où le renouvellement des talents se fait continûment. Chez L’Oréal, c’est un million d’actes de candidatures qui sont traités chaque année dans le monde, pour recruter 14 000 collaborateurs en phase avec les valeurs de l’entreprise et aux profils diversifiés. Face à ce défi, l’intelligence artificielle est un recours intéressant pour les ressources humaines.
Arrivé par hasard à la tête de la société Sofraser, spécialisée dans différentes activités pour l’industrie, Luc Bellière a traduit ses convictions humanistes dans des expérimentations qui ont emmené petit à petit l’entreprise vers un modèle d’entreprise partagée, dans laquelle les activités commerciales et de maintenance ont été externalisées, autonomisées. Pour réussir de telles transformations de fond qui impliquent des processus longs, la première autonomie est celle de la pensée des dirigeants.
L’énergie de l’autonomie a été décisive pour le projet porté par le commandant des pompiers Malassigné. Ne pouvant se résoudre à constater que les tenues de pompiers sont enfouies en quantités une fois mises à la réforme, il obtient l’accord de sa hiérarchie pour, en marge de ses fonctions, leur imaginer une nouvelle vie, et mettre en œuvre un projet d’économie circulaire. Les propriétés de ces tenues en font un matériau isolant de très haute qualité, dont il a pu poser les bases d’une filière prometteuse.
La quête d’autonomie des milléniaux se traduit par une méfiance vis-à-vis des médias traditionnels et un rapport renouvelé à l’information et à la politique. La conséquence est terrible pour les médias historiques. Pour de nouveaux entrants, elle offre une opportunité pour répondre au besoin d’information de ces nouvelles générations. C’est le constat et le pari qui ont conduit à la création de Brut et au succès étourdissant d’un média qui affiche des chiffres vertigineux en à peine trois ans d’existence.
En donnant aux individus les moyens de revendiquer leur autonomie, le numérique a rendu visible l’infiniment petit du monde social – la société et les organisations – dans un mouvement qui peut rappeler la révolution de la physique quantique, et dont on peut s’attendre à des répercussions aussi importantes. Car avec l’autonomie comme avec la physique quantique, ce sont les relations entre les individus qui importent.
Édito du Journal de l'École de Paris du management n° 142
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