Le Journal de l'École de Paris - juillet/août 2011

Construire un futur souhaitable

juillet/août 2011

L'édito de Michel BERRY

Lorsque l’avenir paraît morose, qu’on ne voit comme remèdes que des potions amères comme l’austérité, les purges, la remise en cause de solidarités, cela ne donne pas le moral. Mais n’existe-t-il pas d’autre futur que celui imaginé en extrapolant le passé ? Pour reprendre les catégories de l’École de Palo Alto, au lieu de ne viser que des changements de type 1 (toujours plus de la même chose), le temps n’est-il pas venu des changements de type 2 ? Mais ceux-ci suscitent de fortes résistances car ils mettent en cause non seulement des intérêts, mais aussi des représentations partagées et des comportements ancrés. Leurs promoteurs doivent avoir non seulement imagination et courage, mais ils doivent trouver un chemin pour passer l’obstacle avec une énergie limitée, créer un effet tunnel dirait-on en physique quantique. Le présent numéro propose quelques variations sur ce thème. Les économies d’énergies sont à l’ordre du jour. Le plus payant pour les politiques, c’est de promouvoir des formes alternatives de production, les économies d’énergie renvoyant à des pratiques diffuses sur lesquelles il est difficile de peser sauf en augmentant les prix, ce qui est impopulaire. Quelques hardis pionniers ont inventé la production d’effacement, qui n’implique aucune dépense des consommateurs et se vend aux gestionnaires des réseaux. Si l’idée exposée par Pierre Bivas paraît lumineuse, elle heurte de front les représentations des producteurs d’électricité, et il faudra beaucoup de pédagogie et de savoir-faire stratégique pour imposer cette pratique novatrice. On oppose depuis longtemps industrie et services. On disait il y a vingt ans que l’industrie, c’était fini : après l’exode rural, il faudrait gérer l’exode industriel vers les services. Puis elle est revenue à l’ordre du jour et l’idée vient de la favoriser par rapport aux services. Éric Huber montre qu’en réalité cette distinction est obsolète, et qu’il faudrait chausser d’autres lunettes pour soutenir l’économie avec clairvoyance. Qui seront les pionniers persévérants qui abattront cette frontière ancrée dans nos représentations et nos institutions ? Une pause récréative permet de revenir sur la création du journal Pilote, narrée par deux pionniers, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, et un historien, Patrick Gaumer. La BD était un genre mineur, mal valorisé et mal rémunéré, et il était même bon de cacher son identité pour y contribuer. Or, Pilote a été la matrice de la BD à la française, art florissant aujourd’hui. Ce jaillissement n’est pas seulement dû au génie de Goscinny et au talent des pionniers : peut-être ont-il créé un dispositif qui a eu l’effet tunnel dont j’ai parlé précédemment. Un récent sondage classe les Nigérians parmi les peuples plus optimistes : tout est affaire de points de vue. Pour un pays de 152 millions d’habitants, divisé en 36 États et 774 gouvernements pour plus de 250 ethnies, on mesure le chemin pour s’ouvrir à l’international et à ses codes. Son pétrole pouvait être un boulet plutôt qu’un atout, quand on voit les effets délétères de la manne pétrolière dans nombre de pays en développement. Mais l’attrait de ce pays pour les multinationales et sa sagesse en matière d’africanisation des ressources humaines semblent l’aider à s’inventer un futur prospère. Les seniors pourraient se lancer nombreux dans une seconde carrière utile à la vie de la Cité, mais rien n’est pensé dans cette optique : on promène les retraités, qui sont aussi électeurs, on leur organise des loisirs, mais on ne leur propose guère de rôle actif. C’est l’intérêt de Racines, journal par et pour les seniors, que de s’attaquer à la revitalisation des territoires et de la vie collective, sous la houlette de Catherine Bathy, jeune rédactrice en chef pleine d’empathie pour “ses” seniors. Cet exemple pourrait révéler une formule magique : pour transformer le monde, jouer l’alliance des grands-parents et des petits enfants, de la sagesse et de la fougue.
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