Lors de la crise des subprimes, le système financier a mis en péril l’économie et les États. Avec la crise de la Covid-19, en revanche, il semble avoir sauvé l’économie française aux côtés de l’État. Quel rôle les banques peuvent-elles désormais jouer dans la politique de relance ? Comment pourront-elles accompagner les entreprises dans leurs transformations ? Comment font-elles face à ces enjeux avec, simultanément, des impératifs de retour aux équilibres financiers publics et une diminution de la création monétaire ?


Exposé de Xavier Musca

Au début de la pandémie de Covid-19, un ami, sachant mon implication dans le monde bancaire et inquiet pour ses économies placées chez LCL, me demandait s’il n’était pas opportun de les transférer au Crédit Agricole. Cette anecdote préliminaire révèle que les Français sont très peu au fait de la structure des banques dans leur propre pays : ainsi, j’ai dû expliquer à mon interlocuteur qu’en ayant un compte chez LCL, ses économies étaient déjà au sein du groupe Crédit Agricole et donc qu’il n’avait pas de souci à se faire. Par ailleurs, cette anecdote reflète le sentiment que la crise économique que nous étions alors en train de vivre du fait de la pandémie allait inévitablement déboucher sur une crise de nature financière.

Cette inquiétude était en particulier nourrie par ce qui s’était passé au moment de la crise de la zone euro et par les conséquences de la crise financière de 2008. Elle alimentait un sentiment général de défiance, notamment en Europe, à l’encontre du secteur bancaire, et de fatalisme face à l’enchaînement, jugé inéluctable, d’une triple crise, d’abord sanitaire, puis économique et, finalement, financière. Comme nous le savons maintenant, cette crise financière n’a pas eu lieu, pour les raisons suivantes.

Des banques en bonne santé

Tout d’abord, les banques n’ont pas aujourd’hui un niveau préoccupant de non performing loans dans leur bilan, c’est-à-dire de créances détériorées sur des entreprises en mauvaise situation, et ce niveau est resté stable dans la plupart des pays, voire est en baisse, comme en Italie. Les seuls pays qui gardent un taux élevé, quoiqu’en baisse, sont la Grèce et le Portugal, cette situation étant davantage liée à la crise précédente qu’à celle de la Covid-19.

Cela traduit la bonne santé du secteur des entreprises dans l’ensemble de l’Europe. En 2020, le taux de faillites en France était de 40 % inférieur à la moyenne de long terme et, cette année, il l’est de 20 %. Évidemment, ceci est la conséquence directe des sommes extrêmement importantes que les États ont mises à la disposition des entreprises et du rôle que les banques ont joué en accordant largement les prêts demandés par leurs clients. Cela tient également au fait que, du point de vue financier, en particulier en France, la situation des entreprises était très solide et que cette crise n’a donc pas – loin de là – aggravé leur situation. Évidemment, d’un point de vue microéconomique, dans certains secteurs comme l’hôtellerie-restauration, le transport aérien, l’événementiel ou la culture, des entreprises peuvent être en grande difficulté, mais, au niveau macroéconomique, les entreprises ont bien résisté.

Cette résistance est due à la nature très singulière de cette crise qui n’est le résultat ni d’une surproduction, ni d’un choc économique lié, par exemple, au renchérissement des matières premières comme lors du choc pétrolier de 1973, ni d’une défaillance du secteur financier comme en 2008. Elle résulte en effet de la décision administrative, prise dans la plupart des pays, occidentaux ou émergents, de mettre à l’arrêt toute une série d’activités économiques pour des raisons de santé publique. Dans cette situation particulière où il n’y a pas de destruction de capital, où les liquidités sont abondantes et où les bilans demeurent solides dès lors qu’une partie des pertes est prise en charge par les États, on a constaté qu’aussitôt levées les interdictions administratives, l’économie est repartie avec une très grande vigueur. Tout le monde s’est donc trompé sur cette crise et, ipso facto, sur la situation des banques. Il faut reconnaître que les taux d’intérêts très bas mis en place par la Banque centrale européenne, les achats d’actifs amplifiés par cette même banque et les aides d’État ont largement aidé le secteur productif dans son ensemble, et donc, indirectement, le secteur bancaire, à faire face à cette situation inédite.

Désormais, le coût du risque, après avoir augmenté au début de la crise, se normalise et revient aux niveaux observés antérieurement. Il faut préciser que cette augmentation était purement comptable et ne reflétait pas la situation réelle des entreprises. La réglementation fait en effet obligation aux banques de provisionner ex ante les pertes qu’elles seraient susceptibles de subir sur la base de modèles fondés sur l’expérience des crises précédentes. Au début de la crise de la Covid-19 et face à la catastrophe annoncée, toutes les banques ont ainsi provisionné le coût d’un risque potentiellement très élevé. Or, comme ces pertes redoutées ne se sont pas matérialisées, les banques ont rapidement suspendu ces provisionnements et retrouvé leurs coûts du risque antérieurs.

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