La fulgurante évolution des modes de vie et des marchés fait apparaître et croître de nouvelles marques qui sont autant de risques de disruption pour les acteurs établis. Ainsi, l’hôtellerie doit accepter de changer de modèle. Dans ce contexte, le design est devenu un actif stratégique. Pour redynamiser une marque ou en lancer une nouvelle, il place le client, son évolution et ses attentes au centre de sa démarche et amène à développer des projets en dehors des processus ainsi qu’à avoir recours aux meilleurs créatifs externes.


Exposé de Damien Perrot

À l’heure où les consommateurs réinventent constamment leurs façons de vivre, loin des schémas traditionnels du marketing, qui oserait encore miser sur une réponse standardisée ? L’on a coutume d’illustrer l’accélération de l’innovation propre à notre époque par la courbe de Moore, qui retrace l’élévation exponentielle de la puissance des ordinateurs. L’hôtellerie n’échappe pas à cette spirale : elle doit s’adapter à une transformation effrénée des usages, largement tirée par les nouvelles technologies. Pour nourrir cette dynamique, Accor a fait du design un atout stratégique – un design entendu au sens large, embrassant toutes les composantes de l’offre et capable de renverser la table. Mon parcours personnel illustre d’ailleurs cette approche ouverte : je suis venu au design après avoir occupé des métiers hétéroclites au sein du Groupe – dans les achats ; l’informatique ; la construction, la rénovation et la maintenance des hôtels ; le marketing et la communication... –, avec toujours la même passion pour l’hôtellerie et les métiers de bouche.

La standardisation, un gros mot

De groupe hôtelier, Accor est devenu un acteur de “l’hospitalité augmentée”. Ses 40 marques couvrent une variété d’activités, depuis les espaces de coworking (Wojo) à la restauration et à diverses solutions de distribution : vente privée de nuits d’hôtel (VeryChic), réservation de voyages d’affaires (Gekko), solutions numériques destinées aux hôteliers (D-EDGE), etc.

Transformation à tous les étages

Dans les années 1960 à 1980, les chaînes classiques comme Novotel, ibis ou Sofitel, relativement uniformes, ont fait le bonheur du Groupe et de ses investisseurs. Elles reposaient sur des modèles économiques puissants et rentables, et correspondaient parfaitement aux attentes des clients d’alors, qui aspiraient à retrouver des standards de service et d’hygiène partout où ils voyageaient. C’était une aubaine pour des industriels soucieux d’optimiser leur modèle. Depuis, les comportements des clients se sont transformés de façon radicale : nous avons désormais affaire à des “caméléons” aux désirs fluctuants, avides d’expériences singulières. Or, il est très difficile pour une entreprise de faire évoluer un champion – je pense par exemple à ibis, immense source de rentabilité pour Accor. Aussi, à partir des années 2000, de nouvelles marques dites lifestyle, que Accor a rachetées par la suite, se sont lancées en cassant les codes de l’hôtellerie traditionnelle, comme Mama Shelter, Delano ou Mondrian. Nos concurrents en ont fait de même. En parallèle, se sont imposées des plateformes de réservation hôtelière et touristique comme Booking.com, Airbnb, Amazon, Expedia ou BlaBlaCar, qui ont radicalement changé la donne.

Le design ne peut évidemment ignorer ces évolutions. Chez Accor comme ailleurs, la standardisation est devenue un gros mot. Chacun entend désormais montrer sa différence et bâtir sa stratégie autour du client, la difficulté étant que ce dernier échappe aux antiques catégorisations. Ce bouleversement complique immensément la vie des industriels de l’hôtellerie – et tous ses effets ne se sont pas encore fait sentir, notamment dans le luxe. À titre d’illustration, nous savions jusqu’alors qu’un certain type de clientèle fréquentait les hôtels cinq étoiles et nous répondions à leur demande avec Sofitel. Ce n’est plus vrai. Les millennials se piquent désormais d’hôtellerie haut de gamme... mais partagent le prix d’une chambre à six, pour pouvoir, chacun, goûter au luxe. De quoi surprendre les établissements traditionnels !

Fidéliser par l’émotion

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