Le Journal de l'École de Paris - septembre/octobre 2019

Ce cher et fragile bon sens

septembre/octobre 2019

L'édito de Thomas PARIS

Comment a-t-on pu en arriver là ? Que n’a-t-on mis en avant plus tôt des solutions qui paraissent tellement évidentes après coup ? Les organisations ont une étonnante capacité à générer des aberrations qui s’installent dans leur quotidien et qu’on ne voit plus. Au Tricastin, fleuron du nucléaire français, la salle de crise persistait à être équipée de grands classeurs peu maniables quand tout aurait pu être numérisé. Et un grand hall industriel vide qui aurait divisé la facture par trois se faisait oublier quand il était question d’investir plusieurs dizaines de millions d’euros dans un nouveau bâtiment de traitement des déchets. Les organisations se sclérosent, créent des baronnies, des silos, et défient parfois le bon sens. Frédéric de Agostini mettra sept ans pour moderniser le site et en faire une organisation unifiée.

Le bon sens et la simplicité ont la vie dure. L’association ICDD promeut des solutions simples aux enjeux d’aujourd’hui. Il peut s’agir d’un procédé de dépollution des fumées industrielles et de récupération de leur chaleur qui s’est révélé à Jaouad Zemmouri… alors qu’il regardait la mer. Ou encore de créer
des arrêts d’autostop, idée d’Alain Jean pour relancer ce mode de déplacement en perte de vitesse. Leur simplicité contraste avec la difficulté à les faire admettre par la société qui produit, avec les organisations, une pensée dominante aveuglante et occultante.

Il y a longtemps qu’on sait que notre société et nos entreprises sont incapables de considérer le potentiel de milliers de jeunes, issus de cités, décrocheurs scolaires ou aux parcours atypiques. La création du Service civique en France a révélé ce réservoir considérable de talents ignorés dont le bon sens voulait
qu’on leur donne une chance. L’évidence du diagnostic n’a pu se concrétiser en un mouvement que conjugué avec une démarche militante et un travail de fourmi. L’action de l’Institut de l’Engagement passe par un accompagnement personnalisé. Les bonnes solutions viennent du terrain et s’articulent avec lui.
La démarche qui a permis à Bohin, dernier fabricant d’aiguilles et épingles en France, de sortir de l’ornière n’a pas découlé d’un plan stratégique énoncé puis déployé. Elle s’est faite par une présence sur le terrain, l’écoute des signaux, des décisions rapides. L’histoire de son redressement est jalonnée de moments
anecdotiques qui ont constitué autant de micro-choix structurants : inviter 1 000 boutiques américaines de patchwork sur un salon américain s’est ainsi révélé décisif. Une stratégie du bon sens au quotidien.

Le Laboratoire Science & Nature a été pionnier en faisant le constat de bon sens, dès 1972, que la nature constitue une réserve de ressources qui nous offre tous les ingrédients pour la cosmétique et l’entretien. Deux éléments frappent dans l’histoire de cette entreprise : une forme d’enracinement, dans la volonté de
compréhension intime de la nature et de notre lien avec elle, et l’affirmation permanente et sous-jacente d’une mission. Enracinement et mission, loin d’être contradictoires, sont peut-être indissociables.

Le bon sens est souvent paysan. Voilà bien une profession ou condition qui articule sens et mission avec un fort enracinement : compréhension et proximité du terrain, construction de liens, souci du détail, accompagnement personnalisé. Les ingrédients du bon sens…

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