Le Journal de l'École de Paris - mai/juin 2013

Toutes les énergies contre la crise

mai/juin 2013

L'édito de Thomas PARIS

Sait-on encore ce que sont les subprimes ? Pas évident : depuis 2008, le qualificatif a fini par s’effacer au fur et à mesure que la crise se révélait n’être pas seulement financière, mais plus fondamentale. Crise économique, industrielle, énergétique ou environnementale, crise systémique, crise de sens, crise civilisationnelle... La crise est omniprésente dans ce numéro, tellement présente que tous les contributeurs n’utilisent pas le terme : elle est d’une ampleur telle que d’aucuns, comme Jean-François Zobrist, préfèrent parler de fin de cycle. Nous entrons dans un monde nouveau, et il s’agit de se mettre en ordre de marche pour le faire. Un vent d’optimisme, paradoxalement, souffle de ce numéro, car l’on y voit que face à la crise, toutes les manches sont retroussées. Pouvoirs publics, entreprises, managers, philosophes... : la mutation que nous vivons est l’affaire de tous, jusqu’au frère dominicain d’un petit prieuré en Avignon. Frère Samuel passe trois jours par mois avec les entreprises, et nourrit par là sa réflexion sur le monde. Dans son analyse, la crise est une crise du sens : nous sommes embarqués dans “un vaisseau bizarre que nous avons fabriqué”. Elle impose de changer de paradigme dans les entreprises, en mettant l’accent sur la fragilité et la bienveillance. Aristote, dit-il, doit reprendre le pas sur Descartes dans la gestion des entreprises. L'approche de Patrick Pélata se veut plus prosaïque, ou plus opérationnelle. Pour avoir été dirigeant de Renault pendant de nombreuses années, il fait une analyse précise de la crise industrielle française : celle-ci repose sur une baisse de compétitivité de notre industrie, qui tient au coût du travail et au sous-investissement dans le capital humain. Sortir de la crise implique une mobilisation forte des pouvoirs publics. La transition énergétique aussi a besoin des pouvoirs publics. Les outils mobilisés aujourd’hui par l’Europe sont inadaptés, expliquent Aurélien Gay et Marc Glita : en se focalisant sur la dimension environnementale au détriment de la compétitivité et de l’approvisionnement, ils fragilisent les compagnies d’électricité et brident la transition énergétique. La dérégulation, en limitant la capacité d’action des monopoles, a rendu difficile la mise en place de politiques énergétiques. MPO, leader européen des supports numériques audiovisuels, a trouvé une réponse à la crise en identifiant comme marché d’avenir celui du photovoltaïque. Si elle s’appuie sur des atouts d’excellence industrielle et de capacité à s’approprier des technologies nouvelles pour développer des cellules très performantes, la difficulté de son repositionnement montre combien le succès dépend tout autant de la culture d’innovation d’entreprises que des choix structurants des pouvoirs publics. Toutes les énergies, ce sont d’abord celles des hommes et des femmes qui font la valeur des entreprises : les ouvriers. Face à ce qu’il considère comme une fin de cycle, Jean-François Zobrist montre combien la réussite depuis trente ans d’un mode de management original dans la fonderie Favi l’a conduit à asseoir sa conviction que le management consiste à créer des conditions, que tout ce qui relève du contrôle est une perte d’énergie néfaste, et que RH signifie rendre heureux. Performance, confiance, bonheur : tel est le trépied à la base du modèle Favi, et qui pourrait permettre aux entreprises de passer dans ce monde nouveau.
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