Le débat sur la transition énergétique n’est plus idéologique, mais bel est bien économique : les énergies renouvelables sont désormais plus compétitives que celles qui puisent dans des sources fossiles – sans même citer leur bénéfice environnemental. Bien qu’une logique centralisatrice et surplombante freine leur développement, sur le territoire, des expérimentations apportent la preuve que ces solutions sont viables et vertueuses. En 2018, déjà, trois intervenants résolument engagés dans la transition énergétique en témoignaient.


Michel Berry : Le sujet de la transition énergétique se prête aux positions tranchées et aux anticipations romanesques. Tandis que certains rêvent d’un futur où les centrales nucléaires seront supplantées par une production entièrement naturelle et décentralisée, d’autres jugent les énergies renouvelables trop capricieuses et intermittentes pour constituer une solution sérieuse. Ces amples visions semblent omettre que sur le terrain, une transition est à l’œuvre au travers d’une myriade de démarches innovantes. La commune de Loos-en-Gohelle, Akuo Energy et ENGIE en font la démonstration.

Exposé de Jean-François Caron

Un démonstrateur grandeur nature

La commune de Loos-en-Gohelle incarne l’enjeu de la transition énergétique dans son sol même, ses terrils étant le stigmate de sa contribution au dérèglement climatique. La fermeture de ses neuf puits de mine de charbon l’a profondément déstabilisée sur les plans économique, social et environnemental. Longtemps régie par les Houillères, elle doit conquérir son autonomie, réinventer sa gouvernance, faire preuve d’ambition et de créativité. Alors que nous étions formatés pour puiser du charbon à 1 000 mètres de profondeur, l’époque nous demande d’être adaptables, ouverts au monde et performants. Dans cette course, nous partions avec quelques handicaps.

La commune s’est pourtant engagée dans une transition durable, reposant sur un agencement inédit des parties en présence. À une logique surplombante, nous préférons des processus qui remontent du terrain et mobilisent les acteurs locaux. Nous faisons feu de tout bois dans de multiples registres où la question énergétique est présente. Les résultats sont là : Loos-en-Gohelle est aujourd’hui le démonstrateur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans la conduite du changement vers une ville durable. Elle fut aussi la seule visite de terrain des participants de la COP21.

Vers une troisième révolution industrielle

Comment un territoire peut-il impulser une politique énergétique innovante et une logique de production décentralisée ? C’est en s’inspirant de la vision du fameux prospectiviste et militant américain Jeremy Rifkin, et en bénéficiant de son appui direct, que la région Hauts-de-France a élaboré son projet stratégique de Troisième révolution industrielle. Jeremy Rifkin a eu le mérite de transformer les termes du débat en démontrant aux acteurs économiques de notre région qu’ils se priveraient de formidables opportunités, voire s’exposeraient à des pertes considérables, s’ils ne s’emparaient pas de la transition énergétique.

La “troisième révolution industrielle” invoquée par Jeremy Rifkin se caractérise par deux phénomènes conjugués, l’adoption des énergies renouvelables et le déploiement généralisé d’Internet. Elle intervient dans un contexte où la contrainte sur les énergies fossiles carbonées induit des enjeux de disponibilité certes, mais aussi de coût, la taxation des émissions de CO2 étant toujours plus pesante. Dans cinq ou dix ans, prévoit très concrètement Jeremy Rifkin, un particulier produira du courant grâce à la micro-éolienne posée sur son toit, et en cas de surplus d’énergie, la machine à laver de son voisin se déclenchera automatiquement.

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