Lors d’un contact avec des réfugiés, Théo Scubla, étudiant à ESCP Europe, est frappé par leur potentiel et leur résilience. Leur insertion se traduit pourtant souvent par un fort déclassement. En 2015, il décide de réagir et lance un programme de formation de trois mois, en partenariat avec son école. Ainsi naît each One, puis le cabinet de chasseurs de têtes Wero. Des formations adaptées sont mises en place, en partenariat avec des entreprises. Un dispositif original d’insertion sociale et professionnelle prend forme…

Exposé de Théo Scubla

Pour que les réfugiés trouvent leur place

Le 2 septembre 2015, le corps d’Aylan Kurdi était retrouvé sans vie sur une plage turque. L’embarcation avec laquelle sa famille avait espéré franchir la Méditerranée pour aborder en Europe s’était renversée et l’enfant, son frère aîné et sa mère s’étaient noyés. La tragédie fit la une de la presse mondiale. Quelques jours plus tard, j’entrai dans une école de commerce, après deux années de classes préparatoires. Petit-fils d’immigrés italiens, j’avais un fort désir d’engagement. Ma grand-mère, arrivée très jeune en France, a toujours regretté de n’avoir pu suivre des études supérieures. Elle parle mal, dit-elle, le français. Ce n’est pas vrai, mais cela traduit sa frustration.

Le 13 septembre 2015, je rencontre Omran, étudiant en économie, et Rateb, ingénieur. Ils sont réfugiés depuis deux semaines. Ils s’expriment en anglais. Ils m’évoquent tout de suite ma grand-mère : des gens qui veulent se tenir droit et avancer, inconscients du fossé où les précipite leur situation, du déclassement inéluctable, des difficultés financières, culturelles, émotionnelles, psychologiques, sociales… Ni l’un ni l’autre ne représentent la misère du monde. Ils ne sont pas un problème pour le pays où ils arrivent, mais une chance. Ils n’ont pas tant besoin d’aide que de montrer ce dont ils sont capables. Ils apportent avec eux leur valeur, leur envie. Encore faut-il qu’elles puissent s’exprimer. Ce sera la mission d’each One : révéler cette valeur, la rétablir, permettre aux personnes réfugiées de retrouver leur autonomie, de sortir du déclassement, d’exprimer leur potentiel, comme tout un chacun.

Décloisonner

Durant six mois, nous avons réalisé des enquêtes. Nous nous sommes aperçus que les acteurs de l’intégration, entreprises ou associations, étaient trop cloisonnés et que, malgré leurs efforts, trop de personnes aidées acquéraient mal le français et peinaient à établir un lien social. Demeurant isolées, en proie au doute et ignorantes des codes de la nouvelle société dans laquelle elles vivaient, elles ne parvenaient plus à formuler un projet de vie ou professionnel. Nous avons donc décidé de travailler à l’amélioration des soft skills – ces “compétences relationnelles” indispensables à l’insertion économique –, à l’acquisition du français, à la reconstruction des relations sociales, au rétablissement de la confiance en soi, et enfin, à la reconstruction d’une ambition professionnelle, sans laquelle personne ne peut envisager ni mouvement ni progression.

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