L’ambiance est morose et les impératifs d’aujourd’hui ne sont guère enthousiasmants : rigueur, productivité, travailler plus pour gagner moins... Il faut rééquilibrer les comptes, mais cela ne fait pas un projet de nature à galvaniser les énergies. Stéphane Hessel mobilise avec son Indignez-vous ! alors qu’on aurait envie de clamer : « Réveillez-vous ! » Mais pour quoi faire ? Des économies, vous parlez d’un programme !
Les Vietnamiens et les Nigérians sont aujourd’hui les plus optimistes sur leur évolution personnelle et le développement de leur pays. L’optimisme n’est pas directement corrélé à la richesse mais aux projets que chacun peut faire. Quand les Français rêveront à nouveau, le dynamisme renaîtra, et cela aidera à rétablir les comptes. Les préparatifs de la campagne présidentielle ne laissent pas pour l’instant paraître les prémices d’un rêve collectif chez les Français, mais on peut observer, dans tous secteurs, des dynamiques locales enthousiasmantes, les habitués de l’École de Paris le savent. Ces réussites sont généralement tirées par des rêves, comme l’illustre ce numéro.
Claude Fauquet explique comment la natation française, qui était habituée à perdre, est devenue conquérante. Le succès ne tient pas seulement à des données biomécaniques des athlètes, mais à un désir chez eux plus fort que tout. Favoriser la naissance de tels désirs, les entretenir par une ambiance de rêves partagés était la voie, mais cela impliquait un bouleversement des habitudes et des idées.
Les innovations foisonnent dans les services environnementaux avec l’apport d’écotechnologies, de nanotechnologies, de biotechnologies ou de TIC. Veolia est concernée, mais 150 ans d’histoire et 300 000 collaborateurs ne lui donnant pas une réactivité suffisante, elle s’est faite glaneuse de rêves. Marie-Anne Brodschii explique comment elle repère les start-ups qui font les bons rêves et leur apporte ce qui leur manque pour aboutir.
L’Europe était née d’un rêve, éviter le retour de guerres dévastatrices. Mais des ratiocinations économiques et technocratiques ont progressivement amolli ce rêve. L’Europe faisait rêver à l’Est mais, selon Neven Simac, le printemps des peuples a déchanté en rencontrant l’automne des démocraties provoqué par le retrait du politique au profit de l’économique. La crise peut être une chance pour l’Europe en faisant resserrer les rangs, encore faudra-il créer un rêve partagé pour concrétiser cet espoir.
Édouard Michelin avait rêvé d’un guide Michelin de Tokyo, et Gwendal Poullennec l’a fait. Pourtant,les cuisines françaises et japonaises sont très différentes et les Japonais n’ont jamais pu hiérarchiser par eux-mêmes leurs restaurants. Mais ils en ressentaient le besoin, la marque Michelin était prestigieuse et la couleur rouge du guide était celle qu’il fallait… On verra l’ingéniosité de la démarche et l’incroyable succès auquel elle a conduit. Espérons qu’au moment de la publication de cet article, le Japon sera sorti de son cauchemar.
Les pays se battent pour vendre leurs produits et attirer les touristes ou les investissements. Pierre-Louis Dubourdeau et Maxime Leclère se sont demandé quels étaient les atouts de la France et ont essayé de savoir en quoi nous faisons rêver les étrangers. C’est la « Douce France » qui les attire, son art de vivre et sa position de leader dans les industries du luxe, comme l’illustre l’article précédent. Il reste alors à concilier la France qu’aiment les étrangers et celle que les Français aimeraient présenter à l’extérieur…
Oscar Wilde disait : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit au milieu des étoiles. » À moins de sombrer dans les ténèbres, objectera-t-on peut-être. On l’a déjà dit, il convient alors d’avoir la tête dans les étoiles et les pieds sur terre, d’être poète et épicier.