La surconsommation ayant des impacts avérés sur la collectivité et la planète, mutualiser a du sens, mais le partage entre voisins et la location en magasin sont des solutions contraignantes. Face à ce constat, Les Biens en Commun propose un système présentant les avantages de la propriété et ceux du partage. L’entreprise installe des casiers connectés contenant des équipements que l’on peut réserver via une application pour 1 euro de l’heure. Des résidences étudiantes, Decathlon, Leroy Merlin, ou encore SEB appuient la démarche.


Exposé de Yann Lemoine


Je suis franco-anglais. Né à Niamey, j’ai passé mes douze premières années au Niger et au Burkina Faso. Mon père, ingénieur agronome, a réalisé toute sa carrière dans le développement agricole dans les pays du sud et a développé une vision très critique du modèle occidental de développement. Cela a naturellement contribué à façonner ma propre pensée et ma vision du monde. À la retraite de mon père, notre famille est rentrée en Dordogne. Après mon bac et un bref passage en prépa, j’ai intégré un IUT d’agronomie, puis AgroParisTech.

Initialement, je souhaitais suivre la filière Développement agricole, mais, considérant que le temps des grandes années de la coopération était désormais terminé et qu’elle n’offrait plus de débouchés satisfaisants, je me suis réorienté vers la filière Environnement, plus prometteuse. J’ai ensuite suivi, grâce à un financement d’EDF, le mastère spécialisé International Environmental Management (ENVIM) de Mines Paris et de la Tsinghua University qui m’a apporté une vision industrielle, complémentaire de celle que j’avais acquise à l’Agro.

En 2012, lors du Forum mondial de l’eau qui s’est tenu à Marseille, EDF a proposé de développer une méthode pour que tous les énergéticiens, où qu’ils soient dans le monde, partagent une même terminologie et des mêmes indicateurs pour mesurer leur risque “eau”, aussi bien en matière d’approvisionnement que d’impact sur les écosystèmes et les autres usagers. EDF m’a alors recruté et, pendant trois ans, j’ai pu travailler sur la version finale qui a été présentée au Forum de 2015, en Corée. Nous aurions aimé que cette initiative soit reprise par une instance internationale, afin de nous dégager d’une image trop franco-française, mais des enjeux internes d’EDF ne l’ont pas permis.

En 2018, faute de trouver une opportunité en interne qui prolonge cette expérience, j’ai quitté EDF pour intégrer une start-up lyonnaise d’une centaine de salariés, ForCity, spécialisée dans le développement urbain. Ses logiciels intégraient le suivi des évolutions des populations et de l’emploi quartier par quartier, ainsi que des modèles de gestion de l’eau, des déchets, des transports, etc., afin d’anticiper les besoins en investissements publics. Trop ambitieuse dans ses objectifs de développement, l’entreprise a finalement fait faillite et les 18 mois d’indemnités perçues lors de mon licenciement économique m’ont permis de lancer mon projet, dont l’idée m’était venue dès 2016.

Produire moins et mieux

Si le marché pense avoir trouvé une solution au réchauffement climatique grâce aux énergies renouvelables, cette dimension n’est cependant que l’une des neuf découlant du dépassement des limites planétaires qui sont classiquement recensées et pour lesquelles aucune solution rentable n’a été trouvée à ce jour. Il faut respecter ces limites tout en veillant à ce que les 8 ou 9 milliards d’êtres humains puissent avoir une vie décente, sans régression des acquis sociaux et sans perdre l’accès aux soins, à l’eau et à la nourriture. Or, à ce jour, aucun modèle socioéconomique ne répond à ce défi.

S’il existe de multiples façons d’aborder ces enjeux, le point particulier de la surconsommation de biens manufacturés, en particulier celle des équipements domestiques, est à l’origine de ce qui est devenu Les Biens en Commun. En effet, cette forme de surconsommation entraîne une première pollution liée à l’extraction des matières premières, à leur transport, à la production des biens et à leur distribution. Une seconde pollution est liée à la génération de déchets lors de leur achat, puis lors de leur fin de vie. Cette surconsommation a donc un impact majeur sur les capacités d’absorption de notre écosystème et, au-delà, sur les tensions intra- et inter- États liées à l’accès aux ressources, à la fragilisation des processus de production et de consommation, ainsi qu’à la gestion des crises environnementales et migratoires.

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