À quoi tient le fait qu’une ville devienne, à un moment donné, le lieu d’un bouillonnement créatif extraordinaire ? Et à quoi tient le fait que la flamme s’éteigne ? Si nul ne le sait vraiment, il est intéressant de constater qu’il se passe quelque chose à Paris sur le terrain des artistes. En mettant à disposition, dans un modèle singulier créé par l’agence d’ingénierie culturelle Manifesto, 250 ateliers à des artistes, POUSH apparaît à la fois comme un acteur, un catalyseur et un observateur de ce renouveau créatif.
Exposé de Hervé Digne, Laure Confavreux-Colliex et Yvannoé Kruger
Hervé Digne : Par quelle alchimie se fait-il qu’à un moment donné, à un endroit donné, les circonstances sont réunies pour nourrir la vitalité artistique ? L’expérience de POUSH, cette ruche de 260 artistes installée dans le Grand Paris, lieu de création, d’exposition, de rencontres et d’essaimage, fournit un faisceau de réponses. Elle illustre le nouvel élan de la scène artistique parisienne et française, riche des artistes internationaux qu’elle attire.
Un tropisme parisien
POUSH est né de la rencontre entre une initiative et un contexte, celui du renouveau de la capitale comme foyer de la création artistique. Ce projet n’aurait pas connu un tel retentissement s’il n’avait pas vu le jour à un moment particulier de l’histoire de la création à Paris – ou plutôt, dans le Grand Paris –, marqué par une vitalité particulière : les artistes y foisonnent, les principales institutions culturelles mettent en avant les créateurs français et le marché leur témoigne un intérêt soutenu.
Un recentrage européen
Le contexte européen est propice à redonner à Paris le statut de capitale de la création qu’elle a détenu durant la première moitié du XXe siècle. Si Berlin et Londres ont eu la faveur des artistes et des galeries ces dernières décennies, ces villes perdent de leur attrait. La capitale allemande, qui, après la réunification, a offert à une myriade d’artistes la possibilité d’acquérir des ateliers à des prix défiant toute concurrence, est gagnée par la flambée de l’immobilier. Sa scène naguère alternative s’est assagie et son éloignement des autres pôles de création du continent se fait ressentir. Nombre d’artistes qui s’y étaient implantés désirent désormais rejoindre Paris. Quant au milieu de l’art londonien, il a été affecté par le Brexit et par les freins que ce dernier impose dans la circulation des œuvres et des artistes. Aussi, des galeries britanniques s’installent-elles dans notre capitale.
À cela s’ajoute un contexte français favorable. Bien que la culture n’ait pas été reconnue comme une “activité essentielle” durant la pandémie de Covid-19, les pouvoirs publics ont apporté un soutien considérable aux musées, au théâtre et à la musique, écosystème avec lequel les artistes plasticiens collaborent, ce qui a contribué à préserver le rayonnement de la scène française. L’État a, en outre, lancé une commande d’une ampleur inédite, de 30 millions d’euros, pour soutenir les projets des artistes visuels – un deuxième volet de cette commande est en cours. Une partie des collectivités locales se désengage certes des activités culturelles, mais les grands acteurs français du luxe s’attachent à imprimer leur marque dans le secteur artistique : ils ont besoin d’un terreau créatif actif, propice à nourrir des collaborations et à accroître leur visibilité. La Fondation Cartier, la Fondation Louis Vuitton et la Bourse de commerce, qui abrite la collection Pinault, jouent un rôle de diffusion, mais passent aussi des commandes, qui sont autant d’appels d’air pour les créateurs.
L’essor du Grand Paris
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