La Légion étrangère recrute environ un millier de jeunes par an, avec un fort taux de 
sélectivité. Pour cela, elle doit rendre attractif un métier que l’on croit réservé à des hommes désespérés. C’est la mission paradoxale que détaille Samuel Henry, qui applique dans le domaine de la communication des principes éprouvés dans le métier des armes : effet 
de l’empathie, efficacité de la débrouillardise combinée à la puissance de feu, impératif 
de simplicité, approche top-down “à hauteur d’homme” et gestion des biais d’ancrage.


Exposé de Samuel Henry

Une exception française

« Légionnaire, tu es un volontaire, servant la France avec honneur et fidélité. »

Ce sont là les premiers mots du code d’honneur du légionnaire. C’est également ce que l’on rappelle, à l’instruction ou en opération, lorsque la situation l’exige, chaque légionnaire ayant candidaté librement dans le cadre d’un engagement personnel.

La Légion étrangère est une force de 9 000 hommes intégrée à l’armée de terre et qui remplit des missions identiques à celles de cette dernière. Elle est composée de sept régiments opérationnels et de quelques autres régiments, de support ou présents en Outre-Mer.

En 2019, après avoir servi dix années la Légion étrangère sur le terrain, j’ai été affecté à son recrutement. C’est alors que j’ai découvert avec surprise l’existence d’un bureau du marketing, activité a priori peu compatible avec l’idée que l’on peut se faire d’un corps d’élite composé de volontaires. Dans l’imaginaire collectif, la Légion reste en effet attachée à un recrutement ouvert à ceux qui, par nécessité, par accident ou par errance, désirent tourner le dos à leur passé. Il existe donc un paradoxe entre le guichet qui accueille, comme le dit une chanson de chez nous, « les damnés de la terre entière et les blessés de toutes les guerres » et une activité qui vise à cibler préférentiellement certains profils. Le vivier des jeunes étant le dos au mur est ainsi restreint, d’autant que ces profils, souvent instables et posant parfois des problèmes de sécurité délicats à gérer, ne sont pas particulièrement recherchés par la Légion, quand bien même elle continue à offrir une chance à des gens ayant un passé compliqué. La Légion prospecte donc, ce qui est logique dès lors qu’elle souhaite s’orienter vers un recrutement plus qualitatif.

La Légion étrangère est une exception française, mondialement connue, nimbée d’une aura d’excellence, de rigueur, de respect de la parole donnée et de sens du sacrifice. C’est aussi un endroit où l’on fait table rase de son passé, afin de se consacrer à une vie hors norme. Chaque légionnaire est ainsi recruté sous une nouvelle identité afin de rompre totalement avec sa vie antérieure. Désormais intégré au sein de la Légion étrangère et considéré comme célibataire, il reçoit une carte militaire, un numéro de sécurité sociale et une carte Vitale. Il ouvre un compte en banque, mais il ne pourra souscrire aucun contrat afin de ne pas s’exposer et que nul ne puisse le retrouver. Tous les postulants acceptent cette exigence de rupture, qu’ils viennent à la Légion par goût de l’aventure, pour raisons économiques, pour échapper à de possibles complications judiciaires, voire par défi personnel.

L’institution étant accompagnée de représentations très fortes, parfois intimidantes, mais étant également porteuse de valeurs gravées dans le marbre, cette exigence génère évidemment appréhensions et réticences. Ma mission est donc de rendre plus attirante une unité dont la communication évoque pourtant, dans ses plaquettes de présentation, les « fortes têtes », la « seconde chance » et « les stages les plus difficiles de l’armée de terre ». Je ne suis aucunement spécialiste du marketing, mon parcours étant initialement celui d’un officier formé au déminage, à la manipulation d’explosifs, à l’ouverture d’itinéraires et à la fouille d’objectifs. Il m’a donc fallu trouver ce que je pouvais répliquer, dans le champ de la communication, de mon expérience et de ma culture d’officier français de la Légion.

Vous ne pouvez pas lire la suite de cet article