Centre de création établi à Pantin, résolument tournés vers leur territoire, conçus et opérés par un leader de la publicité, sur un modèle économique qui fait partiellement appel aux marques, les Magasins généraux cassent les codes et les frontières. Nés de la conviction qu’une entreprise ne peut s’isoler dans sa tour d’ivoire, mais doit s’ouvrir à son environnement social, culturel et artistique, ils ont été imaginés sur la base d’aucun modèle existant, comme un laboratoire qui teste d’autres approches, invente, mélange, brasse…
Exposé de Rémi Babinet
Une agence de publicité a-t-elle la légitimité d’être un acteur culturel ? Dès la fondation de BETC, il y a plus de vingt-cinq ans, j’ai veillé à créer, en marge de notre activité publicitaire et sans lien direct avec elle, des lieux accueillant des manifestations artistiques, qui se démarquent de l’offre culturelle classique. La démarche a pris une nouvelle envergure quand, il y a six ans, j’ai décidé que nous franchirions le périphérique pour nous installer à Pantin, dans les anciens magasins généraux, une friche délabrée entièrement taguée au milieu d’un no man’s land, entre la route nationale et le canal de l’Ourcq. Tout le monde me l’a déconseillé, depuis nos actionnaires jusqu’à nos clients ! C’était pourtant l’occasion de nous ouvrir à de nouveaux territoires, au propre comme au figuré. Dans cet environnement, il n’était pas question de faire de notre siège social une forteresse ornée d’une jolie galerie d’art. Nous voulions nous ouvrir à la Seine-Saint-Denis et aux forces qui la traversent. Il s’agissait non seulement de réhabiliter ce bâtiment emblématique de Pantin, mais aussi de redonner vie au quartier alentour.
Dès la définition architecturale du projet, nous avons décidé d’installer nos bureaux dans les étages et d’ouvrir le rez-de-chaussée pour en faire un espace d’exposition, de rencontre, de création et, littéralement, de passage : riverains et visiteurs peuvent le traverser librement pour accéder au canal de l’Ourcq depuis la route. C’est ce lieu que l’on appelle désormais les Magasins généraux. Nous entendons y proposer des expériences artistiques atypiques, sachant que ces dernières années, une multitude de lieux culturels ont fleuri à Paris : réalisations flamboyantes privées et publiques (Bourse de commerce – Pinault Collection, Fondation Louis Vuitton, Philharmonie de Paris), espaces plus expérimentaux (Ateliers Médicis, CENQUATRE-PARIS...), offres mêlant culture, art et divertissement (Atelier des lumières)... Nous voulions être plus radicaux et, surtout, rester modestes : nous ne pouvions nous installer dans ce territoire sans nouer des partenariats et engager des conversations avec ses acteurs.
La création tous azimuts
L’immense espace des Magasins généraux est réversible, modulable et ouvert à toutes les possibilités. Il peut se transformer en galerie géante, comme pour l’exposition Ban consacrée à la banlieue – avec, pour invité d’honneur, le mythique club de football du Red Star de Saint-Ouen –, en boîte de nuit, comme pour le festival Central, en salle de conférence ou de spectacle...
Un rapide aperçu de notre programmation témoigne de la diversité de nos manifestations. Loin des concerts survoltés de musique techno, la soirée Outrebleu se voulait une bulle suspendue : lovés dans des poufs, les visiteurs s’immergeaient dans des compositions électroniques et découvraient toutes sortes de performances. Notre goût pour l’expérimentation, l’innovation et la valorisation de jeunes artistes s’exprime régulièrement à travers des formats de type exposition-résidence. Dernièrement, à l’automne, c’était le cas de l’exposition Clinique vestimentaire de Jeanne Vicérial, artiste dont la voie était toute tracée pour devenir une grande styliste, mais qui a choisi une autre manière de parler de la mode, de l’artisanat, du corps et du vêtement. Elle a installé son atelier pendant un mois aux Magasins généraux et y a exposé ses œuvres, occasion d’organiser des concerts et des colloques explorant le retour des arts de la main dans l’industrie – thème qui nous est cher. Sur le même format d’exposition-résidence, en 2019, nous avons aussi accueilli Thylacine, musicien voyageur qui compose au gré de ses pérégrinations en caravane de par le monde. C’est aux Magasins généraux qu’il a fait sa dernière étape avant la sortie de son album et, comme dans les villages où il avait séjourné, il y a accueilli et enregistré d’autres artistes. Cela représente un épisode intéressant pour l’agence, qui a toujours tissé des liens avec la scène musicale française et internationale.
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