L’international et l’innovation sont aujourd’hui les deux facteurs de croissance principaux des entreprises. Sources d’opportunités, elles peuvent aussi s’avérer génératrices d’angoisses face à une complexité croissante, amenée par la diversité des marchés et l’exigence de développement de compétences pointues.
Les entreprises qui relèvent ces défis se transforment selon un double mouvement d’extension du marché géographique et de montée en valeur ajoutée. Roger Mathon SA, atelier de joaillerie parisien travaillant pour les grandes marques de la place Vendôme, s’est doté d’une capacité à réaliser les pièces les plus complexes, tout en développant sa propre marque au Japon, aux Émirats ou aux États-Unis. Corsain, entreprise de peintures opérant dans un rayon de 50 kilomètres autour d’Arras, est devenue Mäder, entreprise leader de son domaine, présente dans 14 pays, maîtrisant la polymérisation par rayonnement ultraviolet, et se positionnant comme un acteur de pointe de la bioéconomie. Gys, fabricant de machines-outils de Laval, s’est développée en Chine et ailleurs, et est passée de la commercialisation de postes de soudage du poids d’une moto à un produit phare qui pèse à peine 4 kilos. Axon’ Cable réalise 70 % de son chiffre d’affaires à l’international. Elle fabriquait des câbles standard, elle travaille aujourd’hui sur des produits ultra technologiques pour l’aéronautique, le robot martien Curiosity ou le cœur artificiel Carmat...
Les défis de l’international et de l’innovation peuvent se concevoir séparément. Les exemples de ce numéro montrent qu’il peut y avoir des synergies à les aborder ensemble. Innover permet de rester compétitif face à l’émergence de concurrents à bas coûts. Mais cela impose de réaliser des investissements importants, qui nécessitent d’atteindre une masse critique. L’intégration apparaît alors comme une réponse pour entretenir ce cercle potentiellement vertueux. C’est la voie suivie par Roger Mathon SA, Axon’ Cable, Gys, ou encore par Harkand. Pour cette société du secteur parapétrolier, atteindre la taille critique apparaissait comme une nécessité pour faire face à la lourdeur des investissements. Le build-up a permis d’y répondre, avec l’appui précieux d’un fonds d’investissement.
Corée, Émirats, Allemagne, Écosse, Sri Lanka, Inde, Mexique... Quand on décide d’aborder le monde, la question du choix des implantations peut donner le tournis. La constitution des entreprises se fait dans des démarches différentes : gestion de la complémentarité dans les respect d’un équilibre entre croissance externe et croissance interne pour Antonio Molina (Mäder), analyse rationnelle basée sur la taille des marchés pour Joseph Puzo (Axon’ Cable), opportunisme d’image et de marché pour Aude Mathon (Roger Mathon SA).
Dans les grandes entreprises, la question de l’innovation dans la globalisation soulève des problèmes nouveaux. Avec une gamme de produits plus diversifiée, il s’agit de piloter le déploiement dans un équilibre entre mutualisation et adaptation. Pour Florence Charue-Duboc et Christophe Midler, qui s’appuient sur les exemples de Orange, Renault, Sanofi ou Valeo, ces questions impliquent un déport des problématiques de management de l’innovation vers l’aval et donnent lieu à une variété de configurations, notamment sur les poids respectifs à donner au “noyau dur” et à la “périphérie” des innovations.
Les exemples de ce numéro nous emmènent dans la pharmacie, les plateformes pétrolières, les machines-outils et la joaillerie, des univers variés qui partagent de mêmes enjeux, et proposent des réponses proches. À la fois facteurs de croissance et défis managériaux, l’innovation et l’international apparaissent aussi comme les facteurs structurants de l’économie du XXIe siècle.