Aujourd’hui, dans beaucoup de secteurs, la Chine a atteint la même maturité industrielle que les entreprises occidentales. Loin de l’image d’une Chine qui développe des champions nationaux en leur réservant le marché intérieur avec un protectionnisme agressif, elle cherche désormais à se développer en intégrant pleinement le multilatéralisme mondial et en donnant à ses entreprises un cadre compétitif propice aux innovations. Pour autant, cette ouverture ne rend pas le marché chinois plus facile d’accès pour des entreprises françaises…

Exposé de Victor Mabille et Arthur Neveu

Victor Mabille : Dans le cadre de notre mémoire de fin d’études au Corps des Mines, nous nous sommes interrogés sur le retour du protectionnisme dans le monde, en particulier depuis l’élection du président Trump aux États-Unis, qui accuse certains États, au premier rang desquels la Chine, de tricher avec les règles du commerce international. Nous avons donc voulu savoir dans quelle mesure ce revirement pouvait impacter la vie des entreprises françaises. En rencontrant des industriels concernés par cette remise en cause des principes fondamentaux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), nous avons constaté que leur vision de la Chine, considérée comme “l’usine du monde” depuis plusieurs décennies, avait, elle aussi, profondément évolué. En effet, depuis quelques années, ce pays s’est considérablement libéralisé sur le plan économique. La question est alors de savoir si c’est une bonne nouvelle pour nos entreprises.

Il y a un siècle, la Chine était tombée dans une situation de dominée quasi totale, du fait des “traités inégaux” imposés par les Occidentaux au sortir des guerres de l’Opium. Après une guerre civile ravageuse elle a retrouvé, sous le règne de Mao Zedong, son indépendance politique, mais est demeurée un pays peu industrialisé avec une économie très en retard. Aujourd’hui, la situation a radicalement changé et le Global Times of China peut fièrement affirmer que : « La crise de la Covid-19 met en lumière toutes les failles et faiblesses accumulées par l’Occident. L’épuisement de sa capacité à diriger la globalisation est désormais évident. Aujourd’hui, émerge une force de globalisation clairement constructive, imprégnée des caractéristiques chinoises. »

Quarante ans après être sortie de sa révolution Culturelle fratricide, c’est désormais la Chine qui vient en aide aux pays européens, en envoyant par exemple des experts médicaux en Italie pour l’aider à affronter la crise sanitaire ou en rachetant le port autonome du Pirée en Grèce.

La nouvelle économie chinoise

Arthur Neveu : La libéralisation de l’économie chinoise a commencé dans les années 1980, sous l’impulsion de Deng Xiaoping, numéro un de la République populaire de 1978 à 1992. Ce fut l’ère du socialisme de marché en Chine. Passant outre la doxa communiste, Deng Xiaoping affirmait : « Peu importe qu’un chat soit noir ou blanc, s’il attrape la souris, c’est un bon chat. » Pour la première fois en Chine, des dirigeants montraient ainsi que leur priorité n’était plus l’idéologie, mais le développement du pays.

En 2001, sous la présidence de Hu Jintao, la Chine a rejoint l’OMC, franchissant ainsi une nouvelle marche. Le but affiché était très clair : il s’agissait d’inviter les entreprises étrangères à s’installer en Chine, celle-ci ayant parfaitement compris qu’elle avait tout intérêt à lancer son développement économique en devenant l’atelier du monde” grâce à une main-d’œuvre docile, bien formée et bon marché. Cette vision, pertinente dans les années 2000, a entraîné des délocalisations massives d’entreprises occidentales vers la Chine, accompagnées de transferts de technologies non moins massifs, imposés par le gouvernement chinois comme condition à leur implantation. Le moteur de la phase de développement des entreprises chinoises a donc été une “économie de copie”, visant en particulier les méthodes de production et de management occidentales.

Depuis 2013 et l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, une nouvelle période s’est ouverte, marquée par l’affirmation du pays à l’international ainsi que par le développement de champions industriels. Aujourd’hui, ce ne sont plus les entreprises étrangères qui assurent la majeure partie de la production en Chine, mais des entreprises locales indépendantes, qui s’affranchissent de nos technologies en développant les leurs – ces dernières n’ayant plus rien à envier aux nôtres, voire les surpassant.

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