- Histoire du déchet
- Vers un système vertueux de gestion des déchets
- La tragédie des communs
- La responsabilité élargie du producteur
- Les éco-organismes
- Vers une ré-individualisation de la REP
- Des missions élargies pour l’éco-organisme
- Vers un statut d’entreprise à mission ?
- En Europe, d’autres modèles de REP
- Les éco-organismes et l’État
- L’écocontribution, échec ou étape ?
- Vers une économie réellement circulaire
L’organisation de la collecte et du recyclage ne suffit plus face à l’augmentation incessante de la quantité de produits en fin de vie : il faut donc trouver des solutions efficaces et acceptables par tous. Le principe de responsabilité élargie du producteur s’inscrit dans une perspective de diminution de ces flux en incitant les fabricants à intégrer dans leurs nouveaux produits les notions de durabilité, de réparabilité et de réemploi. Cette démarche française originale s’inscrit dans une dynamique européenne plus large.
Exposé d’Helen Micheaux
Ma thèse, réalisée à MINES ParisTech sous la direction de Franck Aggeri1, a eu pour sujet la gestion des déchets et le principe de responsabilité élargie du producteur. J’en ai ensuite tiré le sujet d’un livre intitulé Responsabiliser pour transformer : des déchets aux mines urbaines, paru aux Presses des Mines.
Lors de l’acquisition d’un appareil électrique ou électronique, chacun de nous a pu constater la mention, sur l’étiquette, d’une écotaxe propre à cette filière – dont le montant s’ajoute au prix d’achat du produit – qui rend visible notre écocontribution (également appelée écoparticipation). Dans cet esprit de sensibilisation aux questions posées par le recyclage des déchets, on voit également les collectes solidaires au pied des immeubles ou la présence de mobiliers dédiés à leur récupération dans les grandes surfaces. Par ailleurs, de multiples articles de presse nous alertent régulièrement sur les graves pollutions causées par les déchets électroniques, tandis que d’autres mettent en lumière les ressources inexploitées de l’économie circulaire. Face à ces discours et à ces pratiques variées, il est nécessaire, afin de se faire une idée juste, de connaître le fonctionnement de ces filières de traitement des déchets.
Histoire du déchet
Le terme déchet vient de dechiet et de l’ancien verbe déchoir. Il désignait jadis la matière perdue dans la fabrication ou l’utilisation d’un produit, tandis qu’on parlait plutôt d’ordures ou d’immondices pour désigner, entre autres, les eaux usées et excreta urbains. L’acception du terme déchet en tant que produit en fin de vie est plus récente, les produits et matières étant autrefois spontanément réutilisés. Sabine Barles2, ingénieure en génie civil, est l’une des rares auteures à avoir travaillé sur ce sujet. Elle a retracé l’histoire du concept de déchet urbain de la révolution industrielle à nos jours. Contrairement à ce qui est couramment admis, l’industrie n’est pas en soi la cause de l’accumulation des déchets. Aux premiers temps de la révolution industrielle, l’exploitation du cycle des matières était en réalité déterminante, car elle visait à ne rien perdre. Scientifiques, industriels, agriculteurs et Administration s’évertuaient à organiser leur circulation. Des métiers, tel celui de chiffonnier, et des services spécialisés se sont alors développés autour de la gestion de ces rebuts. Cette logique s’est ralentie par la suite, lorsque s’est opérée une rupture dans la circulation spontanée des matières entre la ville, l’industrie et la campagne.
À la fin du xixe siècle, avec les découvertes de Pasteur sur l’existence des micro-organismes et leur rôle dans la transmission des maladies, le mouvement hygiéniste a largement contribué à faire de la santé individuelle et de la salubrité publique de véritables enjeux politiques. En 1883, sur décision du préfet de la Seine, Eugène Poubelle, l’usage de la poubelle s’impose, tandis que le pavage systématique des rues se généralise et que sont créés des services de voirie chargés de nettoyer les villes et d’isoler leurs déchets.
Lors de la deuxième révolution industrielle, de nouvelles matières synthétiques vont se substituer aux matières premières traditionnelles, tels le papier – désormais fabriqué à partir de cellulose et non plus de chiffons –, les engrais – issus de la carbochimie et non plus des matières organiques – ou le plastique, qui génère de nouveaux usages.
Enfin, la disponibilité d’une énergie bon marché, grâce à l’abondance du pétrole et à la maîtrise de l’électricité, va réduire les coûts de production et les prix de vente, et ainsi favoriser l’accès des ménages à de multiples produits neufs. Dès lors, l’électroménager et les produits électroniques, qui améliorent le confort, ou les objets en plastique, pratiques et jetables, vont devenir indispensables à notre vie quotidienne.
La problématique de la pollution par les déchets ne va émerger qu’à la fin des trente glorieuses, lorsque leur accumulation va devenir pressante du fait de l’arrivée en fin de vie des premiers équipements, aussitôt renouvelés par le consommateur. L’incapacité des collectivités à faire face à cet afflux, par manque tant de connaissances quant à leur traitement que de moyens pour financer les équipements nécessaires pour le faire, va soulever la question de la responsabilité et populariser le concept de pollueur payeur.
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