Au cœur d’un grand parc arboré, à l’heure du thé, des chercheurs se regroupent, discutent de tout et de rien, mais assez rapidement de mathématiques ou de physique, en s’emparant des craies et tableaux à leur disposition. C’est ici qu’en 1962, à quelques encâblures du plateau de Saclay, a élu domicile l’IHES, paradis des meilleurs scientifiques internationaux. Notre société soignerait-elle ses scientifiques ? Oui et non. Car le modèle unique de l’IHES repose sur une économie très singulière, et donc fragile. La science fondamentale, par définition, n’a pas de valeur marchande immédiate.
Le monde de l’entreprise et ses enjeux de compétition féroce et d’optimisation est-il étranger à la science ? Pas du tout, mais il s’agit plus souvent de science plus appliquée. Elle s’incarne dans les connaissances mobilisées par les experts, ceux de Socotec, par exemple. Elle s’incarne aussi, de plus en plus, dans les outils d’intelligence artificielle, et plus généralement d’informatique, déployés pour prédire les ventes, suggérer à un commercial les points de vente à visiter, détecter une opportunité de marché, adapter les pratiques viticoles en fonction des parcelles, optimiser le recours aux intrants pour favoriser la viticulture régénérative... Ces outils apportent des solutions nouvelles dans de nombreux domaines, et amènent de nouvelles formes d’organisation.
Le rapport de nos sociétés – et des organisations – à la science est peut-être à un moment critique. Celle-ci a pris une place particulière dans l’enjeu primordial de préservation de la planète : par le biais d’une organisation inédite, le GIEC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), elle donne le tempo... ou essaye de le donner. La difficulté à transformer ses alertes ou recommandations en actions concrètes et massives, en plus d’être inquiétante, est intrigante. Le déploiement rapide de l’intelligence artificielle témoigne d’une autre dynamique. Derrière l’introduction des outils de prédiction se jouent la fin du mass market et le basculement dans un âge de l’optimisation et de la “customisation”. Se joue aussi un renouvellement dans le rapport que l’action entretient avec la science, lequel soulève des questions sur notre rapport aux machines, au savoir, au sens, et contribue à diffuser une nouvelle épistémologie de l’action, construite sur une forme de raison statistique. Chez Pernod Ricard, la mobilisation d’outils d’informatique prédictive s’accompagne de la recommandation... de ne pas toujours suivre leurs préconisations, car ces outils ne savent que reproduire le passé. Le risque est grand de faire des humains les serviteurs de machines fonctionnant sur une science figée.
La science est dynamique. Les connaissances évoluent, se renouvellent. C’est dans une perspective dynamique qu’il s’agit de penser son rapport à l’action. C’est là l’un des enjeux de la construction de l’INSP, installé à la place de l’ENA, pour lutter contre la reproduction de la pensée. C’est aussi ce qui a mené OCP à inscrire sa transition vers les énergies renouvelables et son engagement pour une agriculture respectueuse des limites planétaires dans un écosystème de R&D.
À Bois-Marie, la science est à sa place : le lieu, par les conditions de confort et de sérénité qu’il offre aux chercheurs, a montré son adéquation et contribue à la fertilité de l’IHES. Mais la science doit encore trouver toute sa place dans nos sociétés et nos organisations.
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