Biodiversité... des organisations

Au tournant du XXe siècle, Fayol et Taylor ont ouvert la voie à la science des organisations, considérant à la fois que le recours aux savoirs était source de performance et que les organisations elles-mêmes étaient un objet de connaissance. Plus d’un siècle plus tard, lorsque l’on s’attache à identifier les raisons de la réussite d’entreprises diverses, on est tenté de mettre en avant des recettes, des principes, des modèles, the one best way. Le recours à la science est parfois simplificateur. 

Ainsi de la supply chain. Les mathématiques ont permis d’en faire un domaine de grande technicité et un facteur important de la performance des entreprises. Pourtant, lorsque l’on applique les recettes des manuels, on se heurte très vite… au réel. C’est ce constat qui a conduit Lokad à mettre en place une méthode originale, s’appuyant sur des experts et une interaction forte avec les clients, détenteurs d’un savoir spécifique à leur contexte.

Ainsi aussi de la structure des organisations. Le modèle hiérarchique, vers lequel beaucoup d’entreprises tendent naturellement, peut renvoyer à une forme de croyance du chef comme détenteur d’une connaissance supérieure. En arrivant chez Armor Group, Hubert de Boisredon fait face à une immense attente de la part d’un comité de direction désorienté. Il répondra en engageant le comité dans une démarche de partage de connaissances au service de la construction collective d’une stratégie. Le modèle hiérarchique peut aussi se lire comme la tendance à traduire une connaissance centralisée en grands principes déclinés dans les différentes composantes de l’entreprise. Le Réseau DEF a grandi en évoluant vers un modèle inspiré du vol des étourneaux, dont le mouvement harmonieux repose sur l’ensemble des individus et un système de communication double, qui leur confère une capacité d’adaptation remarquable.

Les entreprises exploitent parfaitement les avancées scientifiques et technologiques. Ainsi, la marine marchande s’est-elle développée en tirant parti du moteur à explosion. Il aura fallu la prise en compte des limites planétaires pour redécouvrir les vertus de la voile, sachant qu’une aile de kite de 4 kilogrammes permet de tracter un bateau d’une trentaine de tonnes et d’une vingtaine de mètres de long ! Beyond the Sea redécouvre le vent au service de la décarbonation du transport maritime.

Les réussites entrepreneuriales constituent une source de connaissances souvent utilisée pour l’énoncé de grands principes ou de recettes générales. L’étude, par l’École de Paris, de PME et d’ETI industrielles performantes révèle une mine d’or inépuisable, marquée au contraire par la diversité des configurations, l’affirmation de singularités, l’interaction avec des contextes spécifiques. Cela conduit à conclure, avec Michel Berry, que la conduite des organisations ne relève pas de la mécanique, mais gagnerait à s’inspirer du domaine artistique, règne de la singularité. Et que la science des organisations est une science de la diversité.