« Engagez-vous, qu’ils disaient ! » Cette expression populaire, inspirée d’une réplique récurrente des albums d’Astérix, trouve aujourd’hui un écho dans le monde de l’entreprise. Le recrutement des collaborateurs ainsi que leur engagement dans le projet de l’entreprise deviennent des enjeux de plus en plus marqués dans de nombreux secteurs, notamment depuis la pandémie et le mouvement que semble annoncer la grande démission américaine (great resignation). Si les légionnaires romains de l’œuvre de Goscinny et Uderzo n’avaient que leurs yeux pour pleurer, il n’en va pas de même pour les employés aujourd’hui.
Mais qu’allaient donc faire nos légionnaires romains dans cette galère ? Contrairement à la plupart des postulants d’aujourd’hui, eux n’avaient pas lu Astérix, et la promesse « vous verrez du pays » suffisait à les convaincre. À présent, la méfiance est de mise, quand il est question de s’engager dans une aventure. « Ne va pas dans la santé publique, ça va être l’enfer » a-t-on essayé de prévenir Laura Létourneau, lorsqu’elle a décidé d’aller s’attaquer à la transformation numérique de ce secteur, lui prédisant qu’il y avait des “baffes” à prendre. Même invitation à la méfiance pour Fabrice Lepotier : « Pourquoi vous lancer là-dedans ? » lui a-t-on rétorqué quand il s’est présenté à la chambre de commerce pour créer son entreprise. « Trouvez-vous une place dans une boîte de chaudronnerie, vous gagnerez bien votre vie. »
Il faut croire que gagner sa vie n’est pas plus suffisant aujourd’hui que voir du pays au temps des Gaulois. La question de l’engagement devient importante. Pourquoi s’engage-t-on, dans un emploi, une activité, une aventure entrepreneuriale ? Et comment les entreprises prennent-elles en compte les aspirations auxquelles renvoie cette question ?
Fabrice Lepotier a refusé une situation confortable pour se lancer dans une aventure entrepreneuriale remarquable. Le groupe Éfinor, créé comme une entreprise de chaudronnerie, compte aujourd’hui dix-sept sociétés et un millier de collaborateurs. Il s’est construit non pas dans une course à la croissance, mais par une succession de choix visant à assurer la pérennité de l’entreprise et à tenir des engagements. Laura Létourneau et Laure Ménétrier se sont engagées pour l’intérêt général, respectivement dans la santé et la mobilité. La seconde a rejoint Ecov pour apporter des solutions concrètes aux enjeux écologiques, constatant que des entreprises comme Uber avaient un coût écologique et un coût social, et que les transports locaux cochaient toutes les cases de la justification de l’intervention publique. L’engagement de toute une vie de Dominique-Charles Janssens, consacré à la poursuite du rêve de Van Gogh, s’est décidé lorsqu’il subit un accident de la circulation devant l’auberge Ravoux, dernier domicile du peintre.
La notion d’engagement peut être perçue comme polysémique : on engage des personnes, on s’engage dans une entreprise ou on s’engage à une réalisation. En réalité, elle implique toujours les idées d’action et de contrat. Les enjeux actuels que sont la raison d’être, pour les organisations, et le sens, pour les employés, tendent à rapprocher ces différentes significations. La « raison de venir », pour reprendre les termes de Benoît Serre, devient un sujet dont les entreprises doivent s’emparer.
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