C’était il y a un an. Une autre époque déjà, car les transformations que la Covid-19 a amenées dans nos vies, inimaginables alors, y sont désormais bien installées, fournissant une démonstration remarquable de la notion de résilience. À l’époque, le plus terrible avait été de constater qu’un virus microscopique pouvait mettre à bas des sociétés à tel point développées qu’elles digèrent avec boulimie des prouesses technologiques qui ne nous surprennent même plus. La crise nous a asséné avec la plus grande brutalité que notre civilisation est un colosse aux pieds d’argile.
L’effet papillon, à la base de la théorie du chaos, postule que les systèmes les plus complexes peuvent être mis à mal par les dérèglements les plus infimes. La vie en société imposerait ainsi de renforcer en permanence ses organisations sans jamais atteindre un état d’équilibre, à la manière de Sisyphe poussant inlassablement son rocher. Le mythe de Sisyphe est mobilisé dans ce numéro pour décrire l’univers de la cybersécurité. Les États les plus puissants comme les plus grandes entreprises sont vulnérables face aux cyberattaques, dont la voie d’entrée dans ces systèmes qui paraissent ultra-protégés est souvent une faille minuscule. Se pencher sur cette faille donne le vertige : ce sont 300 000 nouveaux types d’attaques qui émergent quotidiennement. Les entreprises de cybersécurité, comme TEHTRIS, sont en état de crise permanente et mobilisent des outils hyper-automatisés pour parer à ces attaques et assurer la cyberpaix.
La vie des organisations évolue dans une dialectique permanente entre les niveaux macroscopique et microscopique. Elles grandissent pour être plus performantes, mais leur croissance peut se faire au détriment de leur propre performance ou les mettre en danger face à de petits acteurs, plus agiles, plus réactifs. Mais cette dialectique s’exprime de manière plus complexe. Les start-up peuvent apprendre à travailler avec les grands groupes (Baracoda). Les PME, par exemple dans l’industrie, peuvent refuser de grandir pour conserver agilité et sens du service, tout en inventant un modèle intermédiaire entre l’atelier très artisanal et l’usine hyper-robotisée (SMPF). Le management des mégaprojets du jeu vidéo ou du numérique peut s’attacher à éviter la dilution de la passion, de l’engagement et de la créativité des équipes dans leur taille, en ayant conscience que le diable est dans les détails et qu’une entreprise… reste la somme des contributions des individus qui la composent (Ubisoft). La gestion des déchets, l’un des enjeux vers le passage d’une économie respectueuse de l’environnement, passe par l’invention de nouvelles formes d’organisation : venir à bout d’une montagne de plusieurs millions de tonnes de déchets électroniques s’appuiera sur les micro-actions individuelles (ecosystem).
On aime opposer David et Goliath, les grandes entreprises et les start-up, les niveaux micro et macro. La réalité est qu’ils sont difficilement dissociables. L’infiniment grand de l’ambition des entreprises humaines passe par l’infiniment petit des détails et actions individuelles.
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