Quand les hommes sont tirés par un rêve, ce qu’ils peuvent faire n’a pas de commune mesure avec ce qu’ils font par nécessité, par habitude ou par crainte. Encore ne faut-il pas qu’ils poursuivent des chimères ou soient victimes d’accidents de management.
Des mirages surgissent souvent dans le management, comme le montre Philip Rosenzweig. L’opinion, les médias et même les chercheurs, victimes de “l’effet halo”, encensent telle formule et portent aux nues ses inspirateurs, engendrant ainsi des comportements mimétiques. Quelque temps plus tard, l’opinion se retourne et les lendemains de fête peuvent être difficiles pour ceux qui avaient été encensés ainsi que leurs imitateurs.
Les LBO en sont une illustration. Il y a deux ans, ils étaient l’objet d’une vogue extraordinaire et faisaient miroiter de beaux profits sans risques, mais il ne se trouve plus aujourd’hui grand monde pour les défendre. Sauf Guillaume Appéré et François Rosenfeld, qui soumettent à Bruno Lafont et Patrick Sayer l’idée de considérer les LBO comme des outils pour traiter les pannes de capital des entreprises... pour en faire des outils de management plutôt que des martingales de casino.
Hermès veut faire des hélicoptères. Pourquoi pas ? La maison a toujours abordé les transports avec un esprit d’avant-garde. Mais Corinne Poux-Bernard et le designer Gabriele Pezzini ne voulant pas seulement rendre un hélicoptère joli, c’est la totalité du produit qu’ils ont retravaillée. Des rêveurs ? Un peu, mais on verra que l’attelage constitué avec Eurocopter a permis d’imaginer du nouveau en intégrant les exigences propres à ce curieux objet volant.
Nintendo domine le secteur des jeux depuis plus de cent ans, ce qui ne prédispose pas à des remises en cause radicales. Pourtant, ses dirigeants aiment “renverser la table de thé”, selon Stéphane Bole. C’est ainsi qu’après s’être radicalement démarquée de ses concurrentes, l’entreprise a fait florès avec ses jeux d’entraînement cérébral, de coaching sportif ou d’aide culinaire. Ces idées ne sont pas venues du ciel mais de l’observation attentive de joueurs de toutes sortes, qui avaient des attentes très différentes des joueurs invétérés.
L’idée dont sont normalement amoureux les chercheurs quand ils fondent leur entreprise devra surmonter nombre d’obstacles pour trouver vie : combien de beaux projets ont capoté à la suite d’accidents financiers, réglementaires, commerciaux ou autres ? C’est pour éviter des morts inutiles que Frédéric Iselin et David Sourdive ont monté un programme original afin de préparer les chercheurs créateurs d’entreprises aux rudes exigences de la gestion pour accomplir leur rêve.
Rêver et gérer, être poète et épicier, avoir la tête dans le ciel et les pieds bien sur terre, telles sont les deux vertus qu’ont les porteurs de rêves qui aboutissent.