Le monde change. En permanence, parfois à grande vitesse. À tel point que l’on a pu parler, il y a quelques années, d’une nouvelle économie, laquelle devait supplanter l’ancienne. Les entreprises de ce numéro relèvent de l’ancienne économie, parfois d’une économie patrimoniale, héritée d’une époque où l’on envoyait des lettres par courrier, où l’on se déplaçait en train, où la possession d’un véhicule était symbole de liberté, où l’industrie avait le vent en poupe. L’origine de La Poste renvoie à des temps quasi immémoriaux, les infrastructures de chemin de fer datent d’un siècle et demi, la société Darégal a été créée il y a 125 ans, Peugeot a produit sa première automobile en 1891, et le groupe industriel ERMO date de 1979, déjà une autre époque...
La donne change, leurs environnements sont transformés, ces entreprises s’adaptent. Elles le font en changeant d’activité, pour répondre à la disparition de leur marché. Elles le font en innovant, pour accompagner le développement de nouveaux usages. Elles le font en repensant les positionnements respectifs des marques de leur portefeuille, pour répondre à la globalisation de leur marché. Elles le font en s’efforçant de penser l’évolution de leurs infrastructures à un horizon lointain. Elles le font en se donnant la capacité de piloter l’actif stratégique que constituent leurs ressources immobilières. Elles le font chacune en fonction de son contexte propre, chacune à sa manière, mettant en avant qui une grande réactivité, qui une capacité d’anticipation. On ne transforme pas un réseau de chemin de fer national comme une PME industrielle.
ERMO était spécialisée dans la conception et la fabrication de moules d’injection destinés à la production de pièces en matières plastiques, dans différents secteurs. La délocalisation brutale de la production de téléphones, son marché principal, l’a conduite à se repositionner sur les moules pour les bouchons de bouteilles d’eau minérale, au cours d’une marche trépidante récompensée
par des chiffres de croissance et de part à l’export remarquables.
Le groupe Darégal était une entreprise familiale spécialisée dans la production de plants d’asperges. Lorsqu’il l’a rejointe, Luc Darbonne a souhaité industrialiser la société et l’a lancée dans la surgélation d’herbes aromatiques. Ce choix, qui a coïncidé avec le lancement de Picard et la nouvelle vague des plats préparés, accompagné d’une politique de R&D soutenue, a conduit l’entreprise à contrôler 70 % du marché mondial.
Pour Jean-Pierre Ploué, le style devient un élément important d’affirmation d’une identité de constructeur automobile. La réflexion qu’il a orchestrée sur les positionnements respectifs des marques du groupe PSA Peugeot Citroën a pour ambition d’adapter l’entreprise au nouveau contexte de l’industrie, celui d’un marché globalisé.
Pour La Poste, l’immobilier constitue un actif considérable, un centre de dépenses important, et un élément central de son positionnement stratégique. Christian Cléret montre que sa gestion est un levier important de la transformation de l’entreprise. Pour Ingrid Nappi-Choulet, elle offre une illustration de ce qu’elle devrait être dans de nombreuses entreprises.
À la SNCF, la définition de la stratégie se heurte à la cohabitation de logiques d’acteurs différentes, celles du réseau, du transporteur et des décideurs publics. Adapter l’entreprise impose de tenir compte de ces logiques et du temps de transformation du réseau. La réflexion menée depuis trois ans a intégré un travail de prospective démographique et géographique, et a débouché sur une évolution importante quant à ses priorités.
L’adaptation est une exigence pour toute entreprise. L’on voit ici les formes différentes qu’elle peut prendre, entre grande réactivité et anticipation à long terme. Dans tous les cas, cela consiste à redéployer un patrimoine, qu’il s’agisse d’infrastructures, de savoir-faire ou de marques.