À l'entrée d'une saison hivernale qui s'annonce bien enneigée et devrait donc réjouir les amateurs de ski hors piste, je me remémore une image que nous avions à l'esprit lors de la création de l'École de Paris, il y a quatorze ans déjà. Voyant combien la recherche et l'enseignement du management étaient corsetés par la division en disciplines cloisonnées, et combien les best practices pouvaient peser sur les managers, "centrez-vous sur votre core business", il nous venait une image : l'heure est venue du management hors pistes, c'est-à-dire en dehors des voies classiques trop encombrées, voire dangereuses.
L'École de Paris devait donc être une structure légère pour ne pas s'enfoncer dans les terrains mous qu'elle ne manquerait pas de rencontrer sur son chemin, et regrouper des skieurs, pardon des managers et des chercheurs, aguerris parce que le hors piste demande un niveau largement au-dessus de la pratique de base. Cela permettait non seulement de revisiter les thèmes classiques mais aussi d'aller explorer des sujets délaissés par les dameuses – pardon les canons de la pensée.
Ce numéro traite par exemple de sujets atypiques. Soit parce qu'ils ont fait scandale en provoquant des rapprochements imprévus entre des mondes jugés incompatibles, comme lorsque Frits Bolkestein proposa d'ouvrir les services à la concurrence, alors qu'on les classait usuellement parmi les activités protégées : on nous a même menacés du méchant plombier polonais si l'on sortait des voies balisées. Il aborde un sujet d'importance majeure comme les conséquences du vieillissement, auquel on ne s'intéresse cependant guère. Il décortique la façon à la fois originale, modeste et pertinente inventée en région Centre pour aider au développement des PMI, sujet sur lequel il y a beaucoup de proclamations et peu d'observations. Il étudie le développement d'une start-up, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'a pas suivi les voies tracées dans les manuels.
Pour garder des traces de ces découvertes, il fallait l'équivalent des journaux de bord des explorateurs. C'est le rôle des comptes rendus rédigés séance après séance et précieusement consignés dans les Annales de l'École de Paris, qui sont autant de volumes d'une encyclopédie vivante du management. Quelques années après la création de l'École, nous avons également lancé un journal qui propose une sélection de textes regroupés autour d'un thème, et des réflexions brèves et incisives.
L'École de Paris a été aussi un précurseur dans l'utilisation du web, c'est pour cela que son adresse est si facile à retenir : en 1997, l'adresse ecole.org était libre. Le web est un média un peu étrange, sur lequel on trouve tout mais qui n'incite pas particulièrement à la méditation persévérante, à en juger par le faible temps que les internautes restent sur chaque page, même quand ils visitent notre site. C'est pourquoi nous avons prévu, pour ceux qui veulent repartir avec de la matière pour méditer, de rendre nos comptes rendus téléchargeables. Comme ils intéressent beaucoup de monde, des étudiants et des enseignants notamment, nous avons décidé en ce début 2008 de rendre librement téléchargeable tous ceux antérieurs à 2004 : il ne sera nécessaire d'avoir un mot de passe que pour les plus récents.
L'École de Paris associe donc des moyens anciens – notamment l'art du débat hérité d'une longue tradition d'excellence française – et modernes pour libérer le management de ses habitudes de penser et d'agir.
Je vous souhaite une bonne année 2008, en vous invitant à partager avec nous de belles explorations hors pistes.