Développer une nouvelle activité totalement étrangère aux métiers historiques est une opération risquée. Pourtant, le groupe marocain OCP, premier importateur mondial d’ammoniac, s’est convaincu que développer de l’hydrogène vert était, pour lui, un pari raisonnable, cohérent avec son nouveau positionnement stratégique, ses actifs existants et ses engagements forts qui visent une neutralité carbone en 2040, sur les trois scopes. La transition énergétique d’une industrie peut parfois tourner à l’opportunité stratégique inespérée… 


Exposé de Till Zeino-Mahmalat

OCP, un groupe centenaire au croisement de deux enjeux planétaires

Avant d’en venir plus spécifiquement à OCP (Office Chérifien des Phosphates) et à notre projet de production d’hydrogène et d’ammoniac verts, permettez-moi de brosser à grands traits le tableau général dans lequel s’inscrit notre action. La population mondiale, en forte croissance, passera de 6,9 milliards d’habitants en 2010 à 9,7 milliards en 2050. Cependant, les terres arables n’étant pas indéfiniment extensibles, leur surface par habitant va décroître d’environ 20 % durant cette même période, ce qui nous place tous, collectivement, face à un risque majeur en matière de sécurité alimentaire. Notre meilleure et, à vrai dire, seule réponse face à ce risque consiste à améliorer les rendements agricoles. Or, cet accroissement de la production agricole semble aller à l’encontre de cet autre enjeu planétaire majeur qu’est le réchauffement climatique. Nous savons tous, en effet, que le secteur agricole, en raison de mauvaises pratiques, est aujourd’hui responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre, de 90 % de la déforestation, de 70 % de la consommation d’eau, etc. De plus, la dégradation de notre environnement contribue à amoindrir la production agricole – un tiers des sols sont dégradés du fait de l’érosion, de la désalinisation et de l’injection dans les sols des saumures ou de divers autres polluants. Les deux objectifs, accroissement de la production agricole d’une part et lutte contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité d’autre part, paraissent donc aller difficilement de pair ; nous devons pourtant apprendre à les concilier.

Nous pensons qu’il existe un chemin médian nous permettant de répondre à ces deux enjeux planétaires. Ce chemin médian passe par l’adoption et la généralisation de bonnes pratiques agricoles avec, en particulier, une nutrition optimisée des sols, ainsi que la séquestration de carbone. Telle est la vision qui nous anime chez OCP.

OCP, son histoire, son écosystème

Ce groupe existe depuis plus de cent ans, puisqu’il a été fondé en 1920 au Maroc, pays où sont concentrés 70 % des réserves mondiales de phosphate. OCP est aujourd’hui le premier producteur d’engrais phosphatés dans le monde, avec un chiffre d’affaires de 11,3 milliards de dollars l’an dernier, un record dans notre longue histoire. Nous sommes aussi parmi les tout premiers importateurs d’ammoniac ; nous en importons chaque année environ 2 millions de tonnes. Je précise également qu’OCP s’inscrit dans un écosystème de R&D, avec des acteurs tels que l’UM6P (université Mohammed VI Polytechnique), université créée par OCP, sa filiale InnovX, ou encore le fonds de capital-risque Bidra Innovation Venture, basé aux États-Unis.

Quand OCP a été fondé, au début des années 1920, son activité était uniquement l’extraction de roches phosphatées et la production d’acide phosphorique. Quelques décennies plus tard, avec le lancement de la plateforme chimique Jorf Lasfar dans les années 1980, nous avons développé la production d’engrais, mais il s’agissait encore d’engrais standards, pas forcément adaptés aux sols et aux cultures de chacun de nos clients. Un premier tournant a été pris en 2006, quand nous avons à la fois fortement augmenté (triplé) notre production d’engrais et diversifié notre portefeuille de produits, ce qui nous permet de proposer aujourd’hui une grande variété d’engrais, bien mieux adaptés aux différents types de sols. Nous sommes, depuis 2015, dans une nouvelle dynamique, caractérisée par de nouvelles approches dans le domaine des roches phosphatées, la recherche de solutions de plus en plus “customisées” pour les agriculteurs, ainsi qu’une activité d’innovation et de R&D très poussée, grâce à ce réseau de partenaires dont je vous ai parlé. Cette dynamique est également caractérisée par l’accent tout particulier mis sur ce que nous appelons en interne le Sustainable impact & Green business (développement durable et agriculture verte).

Des objectifs ambitieux

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