- Une première tentative de fonds
- Un fonds d’alumni : le chaînon manquant
- Une idée difficile à faire accepter
- Dimensionnement
- Un démarrage rapide
- La gouvernance
- Le deal flow et le défi de la multidisciplinarité des projets
- Un business model ouvert et en collaboration avec nos souscripteurs
-
Notre portefeuille
- Jimmy Energy : des microcentrales nucléaires pour fournir de la chaleur industrielle décarbonée
- Silina : augmenter l’efficacité des systèmes optiques en courbant les puces microélectroniques
- Okomera : transposer le concept des antibiogrammes pour le traitement de précision des cancers
- Néolithe : fossiliser les déchets ultimes de la construction pour les recycler
- Les fonds d’alumni, une idée qui essaime
- Se faire connaître à l’intérieur et à l’extérieur
- Le deal flow de projets issus de l’École
- L’accompagnement des jeunes entrepreneurs, une fois le projet financé
- Retour sur investissement
- Le troisième pilier des écoles : l’entrepreneuriat
- Retour vers le futur
- Les étoiles dans les yeux de Denis Lucquin
Exposé de Denis Lucquin
Je suis sorti de l’École polytechnique en 1980. Après un passage par l’INRA et Innolion, j’ai consacré l’essentiel de ma carrière à Sofinnova Partners, qui est devenu l’un des plus importants fonds de capital-risque français et européens. Je l’ai rejoint en 1991, je l’ai présidé de 2007 à 2017 et j’y suis toujours en tant que Partner et Senior Advisor. L’idée de créer le fonds Polytechnique Ventures a germé lorsque je siégeais au conseil d’administration de l’École polytechnique, entre 2013 et 2018. Je réfléchissais alors à la manière la plus efficace de consacrer à l’école dont je suis issu une partie de mon temps de retraite. J’aurais pu rejoindre l’association des anciens, rentrer dans le comité de campagne de la Fondation, mais j’ai préféré faire profiter l’École de mon expérience et de ma passion : financer des entrepreneurs au tout démarrage de leur histoire.
Une première tentative de fonds
Jacques Biot, président de l’École polytechnique jusqu’en 2018, avait donné l’impulsion d’un premier projet de fonds lié à l’École. Après un appel d’offres auprès des sociétés de gestion de la place, remporté par Partech, ce projet a finalement été dévié de ses ambitions initiales par les investisseurs institutionnels : il n’était pas question pour eux qu’un fonds soit dédié à une seule école. C’est ainsi qu’est né Paris-Saclay Seed Fund, un fonds d’amorçage partenaire des différentes écoles et universités du plateau de Saclay. Ce fonds marche plutôt bien, mais s’inscrit dans un environnement politique qui le rend parfois difficile à gérer, à tel point qu’il a été envisagé qu’il pourrait ne pas avoir de successeur...
Un fonds d’alumni : le chaînon manquant
Début 2019, quand Jacques Biot s’est interrogé sur la suite à donner au fonds Paris-Saclay Seed Fund, je lui ai suggéré de reprendre l’idée d’origine, celle d’un fonds propre à l’École polytechnique, et de nous inspirer des grandes universités américaines : Harvard, le MIT, Stanford disposent toutes de leur propre fonds d’alumni. C’était probablement le bon moment pour lancer une telle initiative.
En effet, selon une étude interne parue peu de temps auparavant, deux tiers des élèves de l’École polytechnique envisageaient de créer leur entreprise, alors qu’il y a vingt ou trente ans, la même proportion aspirait à intégrer un corps de l’État. Un nombre important et croissant de jeunes entrepreneurs deep tech étaient donc à la recherche de mentors pour les accompagner et de réseaux pour les financer. En face, nous avions une population croissante d’anciens élèves ayant réussi leur carrière professionnelle au point d’être désireux de financer l’entrepreneuriat à l’École, dans un esprit de give-back. Un fonds d’alumni permettait de croiser cette offre et cette demande.
L’École avait déjà mis en place un riche arsenal pour favoriser l’émergence de projets entrepreneuriaux : l’incubateur X-Up, l’espace de prototypage X-Fab, la pépinière X-Tech, le master X-HEC-UC Berkeley ou encore X-Création, la filiale commune avec la Fondation de l’X, réceptacle des participations prises par l’École dans des start-up qu’elle incubait. Plusieurs prix entrepreneuriaux récompensant des projets à fort potentiel accompagnaient le dispositif : le prix Bertrand Pivin, le prix X-Grant Silicon Valley, ou encore le prix Jean-Louis Gérondeau – Safran, rejoints depuis par le prix X-Impact Tech. Il manquait cependant un maillon critique : un outil de financement susceptible de soutenir de façon significative les premières étapes de ces créations d’entreprise et permettant de le faire en étroite collaboration avec la communauté des anciens.
Une idée difficile à faire accepter
C’est donc cette idée d’un fonds indépendant, stratégiquement lié à l’École, que j’ai eu l’occasion de présenter à Éric Labaye, successeur de Jacques Biot. Cette idée novatrice a finalement emporté l’adhésion du conseil d’administration de l’École.
L’un des arguments avancés était qu’un tel outil, présentant un caractère hybride public/privé, serait, avant leur plongée dans le grand bain du capital-risque, un bon moyen de préparer les jeunes entrepreneurs issus de l’écosystème de l’École polytechnique, en leur apportant un coaching adapté. L’implication des anciens dans cet exercice de mentorat apparaissait comme un atout puissant.
L’autre idée, selon laquelle la moitié de l’intéressement (carried interest) serait redirigé vers l’École, a fini par convaincre la direction et le conseil d’administration. Ce retour financier a été organisé via une golden share1 détenue par la Fondation dans le fonds.
Dimensionnement
Pour pouvoir investir entre 1,5 et 2 millions d’euros, le plus souvent en plusieurs étapes, dans 15 à 20 sociétés, il était nécessaire de rassembler un montant minimum de 30 millions d’euros.
Étant donné la population d’entrepreneurs à laquelle nous envisagions de nous adresser, nous allions amorcer surtout des start-up “deep tech”. Le fonds allait permettre de préamorcer des start-up et d’accompagner les élèves avant la création de leur entreprise à la sortie de l’école. Les porteurs de projet ne devaient pas nécessairement être des polytechniciens, mais être issus de l’écosystème de formation de l’École polytechnique depuis moins d’une dizaine d’années. Les projets initiés par des chercheurs des laboratoires de l’École seraient, bien entendu, des projets auxquels nous comptions également apporter une attention particulière.
Notre ambition consistait à devenir un fonds “catalytique”, c’est-à-dire n’étant pas obligatoirement chef de file, mais un acteur permettant, de façon ciblée, de cristalliser des tours de table avec d’autres investisseurs. Je développerai cette notion d’investissement catalytique plus loin.
Un démarrage rapide
Le conseil d’administration de l’X nous a donné l’autorisation définitive d’aller de l’avant en mars 2020. En juin 2020, l’Autorité des marchés financiers (AMF) nous a accordé l’autorisation de commercialiser le fonds et nous avons commencé la levée en septembre de la même année. En décembre 2020, nous étions capables de finaliser un premier closing (dernière étape d’un investissement) à un peu plus de 15 millions d’euros. C’est relativement rapide pour ce que l’on appelle un first time fund. La raison en est que nous avions correctement anticipé les étapes en collaborant au design du projet avec une dizaine d’anciens, principalement issus du monde du private equity. Ils avaient indiqué être prêts à collectivement investir un peu plus de 10 millions d’euros et ils se sont tous acquittés de leur pré-engagement. Ils ont été nos early adopters.
Ensuite, deux closing successifs en 2021 ont porté le montant souscrit à 28,5 millions d’euros. Nous espérons finaliser la levée de ce fonds aux environs de 35 millions d’euros d’ici la fin de l’année 2022.
Nous avons volontairement fixé un minimum de 100 000 euros pour les souscriptions individuelles. C’était un choix dicté, d’une part, par l’incapacité, pour un first time fund, de gérer un nombre trop important d’investisseurs et, d’autre part, par la volonté d’établir avec chacun d’entre eux une relation particulière permettant des co-investissements. C’est d’ailleurs ce que certains nous demandaient pour participer. HEC, qui a engagé un projet similaire sous l’égide de sa fondation, a fait un choix différent en ouvrant assez largement la souscription à tous les anciens, ce qui nécessite une gouvernance sensiblement différente de la nôtre.
Après son troisième closing, le fonds se caractérise de la façon suivante :
• 109 souscripteurs nous ont apporté au total un peu plus de 28 millions d’euros ;
• la répartition par promotion montre que les deux meilleures promotions contributrices sont la X77 (la mienne) et la X84 (celle de Cécile Tharaud, directrice de Polytechnique Ventures) ; ce n’est probablement pas un hasard…
• 10 % des souscripteurs sont des souscriptrices, ce dont nous sommes assez fiers, compte tenu de la forte masculinité de la population ciblée ;
• les montants souscrits individuellement vont de 100 000 euros (la moitié des souscripteurs) à 2 millions d’euros (un souscripteur).
La gouvernance
La gouvernance du fonds s’articule autour de trois structures. Ainsi, Polytechnique Ventures est un FPCI classique (fonds professionnel de capital investissement), géré par une société de gestion, Equitis Gestion, elle-même conseillée de façon exclusive par une société disposant du statut de CIF (conseil en investissement financier), Polytechnique Ventures SAS.
Equitis Gestion
La gestion d’actifs financiers devenant une activité de plus en plus complexe, nous avons fait le choix de ne pas créer une société de gestion ex nihilo, mais de faire appel à une entreprise de la place. Equitis Gestion, dont le métier est la gestion de fonds pour compte de tiers, a été sélectionnée. Cette société intervient souvent pour le compte de grands acteurs du private equity, en gérant pour eux les petits fonds annexes tels que des feeders (fonds nourriciers). APAX, Ardian, Allianz font partie des acteurs faisant appel à cette société.
Polytechnique Ventures SAS
Lors de la création, en 2019, de Polytechnique Ventures SAS par cinq actionnaires, l’objectif était de recruter immédiatement un responsable qui puisse prendre en charge le montage du fonds. C’est ainsi que Cécile Tharaud a été recrutée : elle avait une expérience de l’industrie et connaissait bien la fonction publique, mais surtout, elle avait déjà monté un fonds d’amorçage pour l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), alors qu’elle y était responsable de la valorisation de la recherche. Elle disposait donc d’une expérience pertinente dans le financement amont de start-up issues d’un écosystème adossé à une institution publique.
L’un des cinq actionnaires de Polytechnique Ventures SAS, la société X-Création, a apporté les deux tiers du financement nécessaire au démarrage de l’activité par un apport en compte courant. Nous avions eu cette idée avec Michel Faure, son président. Il fallait, en revanche, que ce compte courant soit remboursé dès la création du fonds. C’était la demande d’Éric Labaye, président de l’École, et elle a été satisfaite dès le premier closing en décembre 2020.
Je suis le président de la SAS et Cécile Tharaud en est la directrice générale. Nous avons la charge, bientôt partagée avec un directeur d’investissement – que nous venons de recruter –, de faire les recommandations (investissement, désinvestissement et tout élément relatif au portefeuille et à la vie du fonds) à Equitis Gestion et, en particulier, à son comité d’investissement, qui prend les décisions et les met en œuvre.
Pour élaborer ces recommandations, nous nous référons systématiquement à un comité consultatif composé de souscripteurs du fonds qui disposent d’une expérience dans le monde du financement de start-up. À ce jour, ce comité comprend des personnalités comme Jean-David Chamboredon, Bernard Daugeras, et Antoine Garrigues, respectivement fondateurs d’Isai, Auriga, et Iris. Le comité consultatif accueille aussi des membres de droit : le directeur Entrepreneuriat et Innovation de l’École polytechnique, le directeur du master X-HEC-Berkeley et le président d’X-Création.
Polytechnique Ventures FPCI
Le fonds est doté d’un comité stratégique qui représente l’équivalent d’un advisory board pour les fonds de private equity. Ce comité veille au respect des règles du fonds et à sa bonne gestion. Il formule des avis sur les potentiels conflits d’intérêt. Il est actuellement composé de quatre membres parmi les principaux souscripteurs, qui ont choisi de consacrer un peu de leur temps à cette aventure : Patrick de Giovanni, ex-responsable d’APAX et président du comité, Pierre Bontemps, fondateur et PDG de la société Coriolis, Dominique Gaillard, ex-responsable d’Ardian et ancien président de France Invest, et André Lebrun, spécialiste du retournement et patron de Arcoles Industries.
Enfin, comme dans pratiquement tous les fonds d’investissement, nous avons mis en place un intéressement au travers d’un carried interest, c’est-à-dire un partage de la plus-value dégagée par le fonds. Cet intéressement revient pour moitié à l’École, au travers de sa Fondation, et pour moitié à l’équipe, à l’exception de moi-même. J’ai en effet choisi de monter ce projet dans un esprit de transmission et de give-back, et tenais donc à avoir une position entièrement pro bono. J’ai ainsi un statut de bénévole, tout en ayant investi moi-même dans le fonds.
Le deal flow et le défi de la multidisciplinarité des projets
De nombreuses sociétés récemment issues de l’écosystème de l’École sont devenues des licornes2 ou sont “licornables”. Elles se situent dans des domaines industriels très différents comme, par exemple, les technologies de l’éducation (la société 360), les technologies de la finance (les sociétés PayFit et Spendesk), les technologies liées à la transition écologique (Ÿnsect), les technologies médicales (DNA Script et DentalMonitoring), ou encore les technologies de l’assurance (Shift Technology).
Cette multidisciplinarité constitue bien évidemment une opportunité. Elle constitue également une contrainte forte pesant sur le fonctionnement du fonds et sur sa légitimité. Ainsi, depuis ses débuts, les domaines les plus contributeurs à son deal flow sont les technologies médicales (27 % des dossiers reçus) et l’intelligence artificielle (22 %). Viennent ensuite le climat et l’environnement, l’industrie 4.0 et la robotique, les fintech et les assurtech.
Cette diversité naturelle est la raison principale qui nous a poussés à constituer le comité consultatif évoqué précédemment. Cécile Tharaud et moi avons en effet passé l’intégralité de notre carrière dans les sciences de la vie. Il était donc primordial de nous entourer de professionnels du capital-risque reconnus dans des domaines industriels différents, reflétant la richesse technologique des enseignements et de la recherche de l’École polytechnique.
Enfin, nous avons conclu un partenariat avec Erdyn, une société de conseil en innovation qui nous adresse des notes de secteur et d’analyse concurrentielle au sujet des marchés sur lesquels se positionnent les sociétés en cours d’étude.
Un business model ouvert et en collaboration avec nos souscripteurs
La diversité de la centaine d’anciens ayant souscrit au fonds constitue également une source importante et assez unique d’expertises que l’équipe n’hésite pas à solliciter. Ces mêmes anciens nous ont d’ailleurs souvent demandé d’avoir la possibilité de co-investir.
Afin de répondre à cette demande et de pouvoir solliciter ces expertises, nous rédigeons, pour environ la moitié des opportunités reçues, une note de synthèse de deux pages. Ces notes sont destinées à nos souscripteurs et sont mises en ligne dans la partie privée de notre site internet. Un souscripteur intéressé, par exemple, par le spatial ou l’énergie peut ainsi récupérer en un clic toutes nos synthèses relatives à ces domaines et avoir rapidement une vision des projets reçus et à l’étude. À la différence des fonds de capital-risque classiques qui souhaitent plutôt maintenir à distance leurs investisseurs, nous travaillons dans une perspective de collaboration active avec les nôtres. Cela fait partie du business model dont nous sommes convenus pendant la levée de fonds. C’est aussi un moyen efficace de mettre en rapport de jeunes start-up avec des professionnels aguerris dans leur domaine.
Notre portefeuille
À ce jour, nous avons réalisé des investissements dans quatre projets relatifs aux domaines de l’énergie, de la microélectronique, des medtech et des cleantech.
Jimmy Energy : des microcentrales nucléaires pour fournir de la chaleur industrielle décarbonée
Préoccupé par les problématiques énergétiques, Antoine Guyot (X13), ancien du master X-HEC Entrepreneurs et fondateur de Jimmy Energy, a (re)découvert une technologie mise au point dans les années 1970 par Framatome et le CEA, qui permet de construire des microcentrales nucléaires. Contenues dans un “petit” cube de 20 mètres de côté, celles-ci devraient être capables de délivrer une puissance de 20 mégawatts. Leur finalité n’est pas de produire de l’électricité, mais de la vapeur à très haute température – 700 degrés Celsius aujourd’hui, 1 000 degrés Celsius demain – pour un usage industriel.
De nombreuses usines utilisent de la vapeur à très haute température pour faire tourner leurs machines. Elles la produisent souvent à l’aide de centrales à gaz, parce que leur isolement en milieu rural rend le coût du raccordement au réseau EDF prohibitif. Il s’agit typiquement d’usines agroalimentaires.
Les microcentrales fourniront une température suffisamment élevée pour remplacer les centrales à gaz. N’étant pas émettrices de gaz à effet de serre, elles permettent de décarboner la production. L’idée intéresse fortement les industriels et un premier accord avec une structure agroalimentaire est en voie de finalisation.
Nous avons investi aux côtés de trois autres investisseurs. Par prudence, nous avons limité notre mise de fonds à 250 000 euros, car le domaine de la production d’énergie nucléaire n’est pas réputé être particulièrement accueillant pour les jeunes entreprises innovantes. Néanmoins, pour le moment, la société tient ses promesses, aux plans technologique, industriel et réglementaire notamment.
Silina : augmenter l’efficacité des systèmes optiques en courbant les puces microélectroniques
Silina est née de la rencontre entre un jeune polytechnicien, Michael Bailly (X03), fort d’une expérience industrielle dans le management de l’innovation, et un ancien de SupOptique, Wilfried Jahn, qui a réalisé une thèse à Stanford. Ce dernier, intrigué par le constat que l’on augmente considérablement l’efficacité des capteurs optiques en courbant les puces électroniques, s’est lancé dans l’industrialisation du processus de courbure. Cette idée est tout simplement inspirée de la rétine, le meilleur capteur optique que l’on connaisse : les conséquences immédiates de la courbure sont l’augmentation de l’efficacité du capteur et de la qualité de l’image rendue, avec une forte réduction du nombre de lentilles nécessaires au système optique. La courbure des capteurs promet donc une diminution du coût, de l’encombrement et du poids des nouveaux systèmes.
L’éventail des applications est très large. Sur le marché à très forte valeur ajoutée des satellites, on peut fabriquer des capteurs de très haute précision, tout en réduisant de moitié le poids des lentilles. Sur le marché des téléphones mobiles, marché à plus faible valeur ajoutée, mais qui représente une opportunité gigantesque, le coût et la place des caméras intégrées sont des éléments critiques pour le développement de nouveaux téléphones.
Silina avait déjà éveillé l’intérêt d’un fonds américain et d’un fonds allemand spécialisé dans la microélectronique. La société peinait cependant à finaliser son premier tour de table. Nous sommes intervenus de façon “catalytique” pour structurer le financement, tout en gardant la société en France.
Okomera : transposer le concept des antibiogrammes pour le traitement de précision des cancers
Okomera est un spin-off du LadHyX, le laboratoire de l’X en mécanique des fluides. Charles Baroud, chercheur au LadHyX, professeur à l’École et cofondateur de Stilla Technologies (spécialiste de la PCR digitale multiplexée), et Raphaël Tomasi, post-doctorant au LadHyX, sont à l’origine de ce projet qui vise à développer un oncogramme, l’équivalent d’un antibiogramme3 pour la prise en charge des cancers. Lorsqu’un médecin oncologue hésite sur le traitement à administrer à un patient atteint d’un cancer, notamment lorsque celui-ci devient résistant à son traitement, l’oncologue prélève des cellules sur la tumeur. Ces cellules sont cultivées sur une puce microfluidique, développée grâce à la technologie du LadHyX. Cette puce, de 2 centimètres carrés, permet de tester plusieurs thérapies potentielles à des concentrations différentes ou en association, de manière à identifier le traitement le mieux adapté. On parle d’oncologie fonctionnelle de précision.
S’agissant d’Okomera, lauréate du prix Jean-Louis Gérondeau – Safran, nous avons catalysé la levée de pré-amorçage, avec essentiellement un business angel féru de technologies microfluidiques et “serial entrepreneur”, alors que la prise de risque était encore trop élevée pour les sociétés de capital-risque.
Néolithe : fossiliser les déchets ultimes de la construction pour les recycler
Nicolas Cruaud (X16), cofondateur et président de Néolithe, s’est inspiré d’un savoir-faire familial – son père est un ancien tailleur de pierres, spécialiste des bétons – pour développer une innovation à vocation éthique : la fossilisation accélérée des déchets non recyclables, qui sont jusqu’à présent enfouis ou incinérés. Néolithe transforme ainsi ces déchets en “pierres”, qui sont en fait des granulats inertes qui pourront soit être utilisés tels quels, soit entrer dans la composition de bétons recyclés. C’est pour cette dernière application que la société s’est engagée dans un partenariat avec le CSTB4, en vue d’obtenir les homologations nécessaires à la production de la première génération de béton recyclé.
Pour cela, Néolithe a développé ce qu’elle appelle un fossilisateur, c’est-à-dire un outil industriel qui permet de produire in situ ces granulats inertes.
Néolithe a été conçue au cours des études de Nicolas à l’École polytechnique, a été incubée dans le cadre du programme X-Up et a été lauréate des prix Jean-Louis Gérondeau – Safran et Bertrand Pivin. C’est la première des sociétés du portefeuille de Polytechnique Ventures, et aussi la première à annoncer son refinancement grâce à la mise en place d’un tour de table de série A, qui fait suite au financement d’amorçage auquel a participé le fonds et qui pourrait permettre de revaloriser notre ligne de façon substantielle.
Nos trois prochains investissements devraient concerner la logistique urbaine, la cybersécurité et la gestion digitalisée de flottes de navires. Cela confirme la diversité des domaines couverts et l’étendue des compétences requises pour mener à bien ces projets.
Les fonds d’alumni, une idée qui essaime
L’idée d’un fonds d’investissement d’alumni propre à chaque école ou université est un concept qui se propage. Ainsi, concomitamment à la mise en place de Polytechnique Ventures, la Fondation HEC a initié HEC Ventures. À l’initiative de l’association des anciens, de la fondation et de l’école, un projet similaire est en cours de montage autour de CentraleSupélec. Des projets à un stade préliminaire sont en réflexion autour de Sciences Po, AgroParisTech, l’EDHEC, l’université Paris-Saclay, ou encore l’université PSL. Il est cependant intéressant de noter que les modèles mis en place ou en cours de montage peuvent être assez différents les uns des autres.
Le projet de la Fondation HEC s’est structuré autour d’un partenariat avec un investisseur en capital-risque de la place, Idinvest Partners – nouvellement Eurazeo. Le fonds HEC Ventures, qui a atteint une taille équivalente à celle de Polytechnique Ventures, ressemble plutôt à un fonds de co-investissement qu’Idinvest utilise quand le fondateur d’un projet dans lequel il envisage d’investir est un alumni d’HEC. Le recours à un acteur confirmé de la place, qui dispose du savoir-faire nécessaire pour gérer des fonds dits de “retail” – en l’occurrence, les FCPI (fonds communs de placement dans l’innovation), qui sont souscrits par un nombre important d’investisseurs –, permet d’envisager des montants de souscription relativement bas, de l’ordre de quelques milliers d’euros. Ce choix relevait d’une volonté forte de la Fondation HEC de démocratiser cet outil d’investissement.
Nous avons fait un choix différent en fixant l’engagement individuel minimum à 100 000 euros. Le nombre limité d’investisseurs – le fonds en aura un peu plus de 100 – nous a permis non seulement d’établir la collaboration avec Equitis Gestion, mais, surtout, de conserver une indépendance par rapport à tout investisseur de la place et, ainsi, de garder une forte “personnalité” d’outil de financement au service de la communauté, de l’École polytechnique et de sa politique pour l’entrepreneuriat.
CentraleSupélec s’inspire de notre modèle et un fonds est en cours de montage autour de deux seniors du capital-risque, eux-mêmes anciens de Supélec et de Centrale, Jean-Marc Patouillaud de Partech et Pierre Martini d’Isai. Une société de “recommandation” a ainsi été créée. L’association des anciens, l’école et la fondation ont chacune une participation significative aux côtés de l’équipe. La gestion du fonds devrait être confiée à une société de gestion d’actifs financiers pour compte de tiers.
AgroParisTech souhaite créer un fonds plus classique de venture capital ex nihilo. Pour atteindre la taille traditionnelle d’un fonds de ce type, soit un peu plus de 100 millions d’euros, ce projet pourrait faire intervenir des investisseurs institutionnels, mais aussi et surtout des sociétés qui lui sont fortement associées.
Sciences Po s’interroge sur la forme à donner à son fonds, qui pourrait prendre la forme d’une association de business angels. L’EDHEC, Telecom Paris, mais aussi les universités PSL et Paris-Saclay, et selon nos informations, Mines Paris, en sont au stade de la réflexion.
Pour terminer, je précise que nous avons choisi de ne faire intervenir, pour notre fonds, que des anciens à titre individuel – parfois au travers d’une holding familiale ou patrimoniale –, ce que l’on pourrait qualifier de modèle pur. L’avenir nous dira si ce modèle pourra perdurer ou si l’idée de faire intervenir des institutionnels, financiers ou industriels, dont certains ont d’ores et déjà frappé à la porte, se révèlera une idée intéressante à poursuivre.
Débat
Se faire connaître à l’intérieur et à l’extérieur
Un intervenant : Comment vous faites-vous connaître de l’écosystème de l’X ? Est-ce que l’École, les professeurs vous recommandent ? Êtes-vous suffisamment connu des élèves ?
Denis Lucquin : Tout d’abord, il faut rappeler que c’est l’une des missions principales de l’équipe que de faire connaître le fonds aux prescripteurs et candidats éventuels. Ensuite, nous avons procédé à quelques opérations de communication. La Jaune et la Rouge5 a ainsi consacré un article de deux pages à Polytechnique Ventures. Cette publication nous a apporté un nombre significatif de nouveaux projets.
Nous allons régulièrement sur le plateau de Saclay rendre visite aux entreprises, aux laboratoires, au Drahi – X Novation Center, et nous envisageons d’ailleurs d’y installer une permanence. Nous sommes également partenaires d’X-Up, du master X-HEC Entrepreneurs et de l’Executive Master.
Nous avons d’excellentes relations avec nombre de professeurs. Les laboratoires et les enseignements constituent notre principal vecteur de communication. Nous offrons en permanence des stages en lien avec les différents cursus proposés par l’École – cycle ingénieur, doctorat, masters.
L’équipe participe également activement à de nombreuses conférences et manifestations organisées par, ou autour de, l’École (Demo Day, attribution de différents prix…).
Le deal flow de projets issus de l’École
Int. : Les fonds de capital-risque sélectionnent généralement 1 projet sur 10, voire sur 100. Le deal flow en provenance de l’École polytechnique est-il suffisant pour alimenter le fonds ?
D. L. : Effectivement, la sélectivité est le premier argument qu’avance généralement un fonds pour se différencier, et c’est peut-être là notre principal challenge. Si je prends l’exemple de Sofinnova, le taux de sélection est de 1 projet sur 100. Aujourd’hui, le taux correspondant pour Polytechnique Ventures est plutôt de 5 sur 100 : nous aurons étudié 150 projets pour réaliser nos 7 premiers investissements d’ici l’été. Nous sommes impressionnés par la qualité des projets que nous recevons.
Par ailleurs, s’agissant la plupart du temps de jeunes entrepreneurs dont c’est la première expérience, nous n’hésitons pas à les coacher très en amont, non seulement en les conseillant sur leur business model, mais également en les aidant à s’entourer d’acteurs expérimentés de leur domaine. La proximité construite avec le groupe des investisseurs est ici primordiale. Cette première phase de maturation est peut-être une explication de la bonne qualité du deal flow.
À titre d’exemple, lorsque le fondateur de Jimmy Energy est venu présenter son idée, la première réaction de l’équipe a été de lui dire qu’il était singulièrement seul, surtout pour le domaine qu’il comptait affronter. Quelques mois plus tard, non seulement il s’était associé à une jeune diplômée d’HEC, mais plusieurs pointures du domaine, dont un ancien patron d’Areva, gravitaient autour de son projet.
L’accompagnement des jeunes entrepreneurs, une fois le projet financé
Int. : Le taux de mortalité important des jeunes entreprises s’explique souvent par le fait qu’un très bon inventeur peut s’avérer être un très mauvais gestionnaire. Avez-vous mis en place un système de suivi et d’assistance des jeunes entrepreneurs, une fois l’investissement réalisé ?
D. L. : Si je prends à nouveau l’exemple que je connais le mieux, celui de Sofinnova, chaque investissement s’accompagne généralement d’une participation au conseil d’administration de la société. Cette façon de leur faire profiter de notre expérience et de notre réseau est probablement la meilleure façon d’accompagner les entrepreneurs.
La taille de Polytechnique Ventures ne nous permet pas de faire la même chose. Notre budget de fonctionnement limite l’effectif de l’équipe à trois personnes, ces dernières ne pouvant décemment pas consacrer du temps pour participer à chaque conseil d’administration. Nous essayons donc d’entourer les entrepreneurs que nous finançons de mentors issus de l’industrie dans laquelle ils souhaitent se lancer. Ces mentors peuvent venir du groupe des souscripteurs du fonds, mais pas uniquement. L’un des projets actuellement à l’étude porte sur la sécurité des aéroports, plus précisément sur la détection d’objets tombés sur les pistes, qui peuvent engendrer des catastrophes aériennes. Nous sommes allés chercher l’ancien directeur financier d’Air France-KLM, qui a accepté d’accompagner le projet, même dans sa phase d’étude.
Int. : Offrez-vous des supports juridiques, fiscaux, marketing ou autres aux entrepreneurs ? Les aidez-vous à se localiser, dans des entreprises qui présentent de fortes affinités, par exemple ?
D. L. : Nous ne fournissons pas de supports spécifiques aux entrepreneurs que nous finançons. Nous-mêmes, dans les phases d’analyse et de structuration des opérations, nous utilisons des professionnels de qualité. Nous avons ainsi sélectionné un petit nombre de cabinets d’avocats qui connaissent bien les problématiques des start-up. Libre alors aux entrepreneurs d’utiliser leurs services s’ils les trouvent également de qualité.
Par ailleurs, si la dernière partie de la question consiste à examiner les possibilités d’associer une start-up à ses partenaires commerciaux, je suis personnellement très réservé sur ce point. Cela me rappelle mon passage au Centre de recherche en gestion de l’École polytechnique (CRG), il y a quarante ans, où j’avais observé, au travers d’un exemple de création d’entreprise qui s’était rapidement conclu par un échec, que l’association du projet à des stake holders du business de l’entreprise avait plutôt tendance à se traduire par des conflits d’intérêt qui pouvaient lui être fatals.
Retour sur investissement
Int. : Avez-vous commencé à gagner de l’argent ou à partir de quand pensez-vous en gagner avec vos projets ?
D. L. : Il faut ici distinguer deux niveaux d’appréciation. Au niveau du fonds, s’agissant d’une activité d’amorçage, il ne sera classiquement dans un territoire positif qu’au bout de six ou sept ans dans le meilleur des cas. C’est la fameuse courbe en crosse de hockey, ou courbe en J. Cela est dû au fait que les sociétés financées très tôt mettent généralement du temps avant de créer de la valeur de façon significative. De plus, il faut amortir les frais de gestion du fonds.
Au niveau des entreprises investies, cela se traduit par des accroissements de valeur au fur et à mesure des augmentations de capital successives, et il est très rare que l’on puisse sortir rapidement d’une société financée à son démarrage.
Pourtant, c’est ce qui vient d’arriver avec notre premier investissement, Néolithe. Nous avons eu l’opportunité de vendre une partie de notre participation pour un montant égal à notre mise initiale, tout en gardant une partie significative de nos actions. Ceci a été rendu possible parce que la société a réussi à se refinancer sur un prix par action présentant un vrai multiple par rapport aux actions que nous avions acquises, et ceci dans un tour de table sursouscrit. C’est probablement la meilleure preuve de qualité de la société d’abord et de notre deal flow ensuite.
Rappelons enfin que dans un fonds comme celui-ci, un investisseur doit s’attendre à un retour sur investissement qui peut être de plusieurs fois sa mise, mais à un horizon de huit ou dix ans, parfois plus.
Le troisième pilier des écoles : l’entrepreneuriat
Jacques Biot : Je voudrais apporter deux précisions aux propos de Denis Lucquin.
En l’espace d’une génération, l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) est devenue l’une des écoles polytechniques les plus cotées au niveau mondial. Son président, un neurologue, a monté un écosystème entrepreneurial autour de la santé en particulier, et il a bénéficié de temps pour le faire.
Mon ambition, en arrivant à l’X, était de faire de l’entrepreneuriat le troisième pilier de l’École, à l’instar des universités américaines. La communauté polytechnicienne a accueilli cette ambition avec un grand scepticisme. Les grands corps de l’État n’en voyaient pas l’utilité, tandis que les X devenus entrepreneurs sur la côte ouest des États-Unis doutaient des capacités de l’École à se transformer. Il a fallu attendre deux ou trois ans avant que ces derniers ne me soutiennent fortement. Ces projets doivent donc s’inscrire dans la durée.
Pour l’avoir observé, je crois que l’éclosion des étoiles dans les yeux de nos jeunes doit beaucoup à tout l’écosystème de l’X. Dans cet établissement, il y a des enseignants, des chercheurs, des enseignants-chercheurs exceptionnels, il y a l’écosystème que nous avons bâti avec le soutien de Patrick Drahi et le Drahi – X Novation Center. Cet ensemble stimule fortement l’envie des élèves de se lancer dans un projet entrepreneurial. Aux élèves qui hésitaient entre se lancer dans ce type de projet ou rentrer dans un grand corps de l’État, je conseillais la première option. C’est le choix qui va leur procurer le plus grand épanouissement personnel.
Int. : Le projet de Jacques Biot résonne avec le projet de Pierre Laffitte, le directeur de l’École des mines de Paris, quand il souhaitait développer, il y a cinquante ans, l’innovation aux côtés de l’enseignement et de la recherche. Aujourd’hui, on a substitué le mot entrepreneuriat au mot innovation. Les grandes entreprises seraient-elles devenues de moins bons moteurs de l’innovation ? Ou bien ont-elles décidé de n’innover que via l’écosystème de l’entrepreneuriat ?
D. L. : Les start-up sont effectivement devenues des acteurs majeurs de l’innovation dans des pans entiers de l’industrie. Ce n’est probablement pas vrai pour tous les domaines, mais celui de la santé et du médicament a très tôt montré ce chemin. Financées par le capital-risque, ces jeunes entreprises ont vocation soit à se développer pour devenir rapidement une société pharmaceutique au sens propre et de taille internationale, soit à conclure des accords avec les acteurs établis de la place. L’exemple récent, et connu de tous, qui marque cette évolution est celui des vaccins contre la Covid-19.
Si Pfizer a réussi à commercialiser un vaccin ARN contre ce virus, c’est grâce à son association avec la start-up allemande BioNTech. Et ce n’est pas une exception. La majeure partie des nouveaux produits mis sur le marché par l’industrie pharmaceutique provient de la R&D de start-up. Ces dernières ont ensuite le choix entre passer des licences ou se faire acquérir. C’est ce que l’on appelle l’open innovation.
Dans certains cas, la jeune entreprise réussit à se financer jusqu’à devenir elle-même un acteur pharmaceutique. C’est le chemin qu’a choisi de poursuivre l’autre start-up à la pointe des vaccins ARN contre la Covid-19, la société américaine Moderna.
J. B. : La réponse que j’ai apportée à l’École, quand je la présidais, était probablement assez proche de celle de Pierre Laffitte, mais elle est adaptée aux besoins d’aujourd’hui.
Un nouveau phénomène en matière d’entrepreneuriat se développe autour des universités. Il s’agit de l’intrapreneuriat, une autre forme de développement de l’innovation. On peut l’observer au Drahi – X Novation Center, au sein duquel de grandes entreprises ont localisé une partie de leur développement technologique. Valéo y a installé son centre de développement du confort thermique pour les voitures électriques. Fujitsu y a logé son centre d’intelligence artificielle. Tout le monde parle aussi de Huawei, deuxième investisseur privé en R&D et premier déposant de brevets au monde. Huawei dépense habituellement 10 % de son budget R&D dans la recherche fondamentale, la recherche non dirigée ; c’est la clé du succès de cette organisation. Je crois donc que le progrès humain proviendra de toutes ces sources, qu’il s’agisse d’un Jimmy, fruit de la rencontre entre un jeune entrepreneur habité par son idée de microcentrale nucléaire et un Denis Lucquin, ou bien encore d’un Huawei qui emploie 195 000 personnes et dédie, même cette année, 22 % de son chiffre d’affaires à la R&D.
Retour vers le futur
Int. : Quelles sont les prochaines étapes pour Polytechnique Ventures ?
D. L. : Il faut tout d’abord terminer la constitution du portefeuille. La suite naturelle serait de lancer un fonds successeur une fois le portefeuille constitué.
L’avènement de l’Institut Polytechnique, autour de l’X, nous interroge sur un changement potentiel de périmètre. Si nous devions aller dans ce sens, au moins nous ne serions pas obligés de changer de nom.
Il est également intéressant d’examiner les expériences similaires dans les autres pays. Aux États-Unis, plusieurs fonds d’alumni d’universités comme Yale, Stanford ou Harvard se sont regroupés au sein d’une structure unique, Alumni Ventures, avec qui nous sommes entrés en contact. Est-ce une évolution possible pour Polytechnique Ventures ? Il est probablement trop tôt pour le dire.
Les étoiles dans les yeux de Denis Lucquin
Int. : Vous avez fait grandir des structures dans le venture capital, vous les avez conduites à se diversifier – de la biotech à la cleantech, en passant par la medtech –, vous avez lancé de nouvelles structures plus petites et plus atypiques, en biomédecine avec Inserm Transfert Initiative et, maintenant, vous vous consacrez à Polytechnique Ventures, une structure encore plus atypique dans le monde du venture capital. Qu’est-ce qui a guidé votre parcours ?
D. L. : Je pense avoir structuré ma carrière autour d’une passion : celle des entrepreneurs. Rencontrer de nouveaux entrepreneurs, comprendre leurs projets, parfois un peu fous, consistant à vouloir “changer le monde”, et les accompagner en les finançant m’a aidé pendant de longues années à me lever le matin.
Sofinnova est ainsi devenue l’une des principales structures européennes de financement des entrepreneurs qui voulaient mettre au point de nouvelles thérapeutiques et changer la vie des malades.
L’avènement des préoccupations environnementales dans les années 2000 à 2010 m’a poussé à rechercher de nouveaux entrepreneurs : ceux qui veulent lutter contre le dérèglement climatique. Sofinnova s’est ainsi engagée dans l’utilisation des biotechnologies, son savoir-faire reconnu, cette fois-ci au profit non plus d’une meilleure santé, mais d’une meilleure planète.
Au crépuscule de ma carrière, j’ai enfin découvert une nouvelle race d’entrepreneurs : les jeunes à peine issus de leur formation. C’est un fait sociétal et Jacques Biot l’a bien décrit. De plus en plus de jeunes diplômés se destinent à la création d’entreprise. C’est ce qui m’a poussé à créer Polytechnique Ventures.
1. Action (ou groupe d’actions) préférentielle qui donne à son détenteur un droit spécifique, le plaçant au-dessus des autres actionnaires.
2. Start-up valorisée à plus d’1 milliard de dollars, non cotée en Bourse et non filiale d’un grand groupe.
3. Outil d’aide à la décision thérapeutique.
4. Le Centre scientifique et technique du bâtiment, établissement public français à caractère industriel et commercial, est un acteur clé de la certification des produits et services de la construction.
5. Revue de la communauté polytechnicienne éditée par l’AX, l’Association des alumni de l’École polytechnique.
Le compte rendu de cette séance a été rédigé par :
Erik UNGER
Denis LUCQUIN