Le coronavirus et les plaies d’Égypte
Je m’autorise, du fait que la pandémie concerne toute la planète, et notamment tous les peuples d’origine monothéiste, à partager mon impression que cette maladie nous fait revivre un épisode de la Bible connu comme les plaies d’Égypte. Le livre de l’Exode met en scène Moïse et son frère Aaron qui, sur l’ordre de Dieu, viennent sommer le pharaon de laisser partir le peuple des esclaves hébreux. Or, le pharaon n’est pas athée, il a même foi dans le grand horloger de l’univers. La parfaite régularité des crues du Nil lui procure un pouvoir technocratique sans faille sur toutes les productions agricoles. Mais il ignore le dieu d’amour, en tout cas au début des plaies. Puis, de plaie en plaie, il évolue jusqu’à s’incliner, à partir de la huitième plaie, devant les exigences du dieu d’amour, autre visage du maître de l’univers, et il finit par éprouver, pour quelques jours, une sorte de pitié pour les malheureux Hébreux.
Notre civilisation est une authentique héritière de ce pharaon, par l’intermédiaire des civilisations grecque, romaine et, on l’oublie trop souvent, arabe. Nos fabuleuses conquêtes des sciences et des techniques nous ont convaincus, comme lui, que nous étions maîtres de la nature. Mais un grand doute va croissant, avec les dérèglements climatiques, l’épuisement des ressources naturelles et les souffrances diverses qui sévissent toujours... Et voilà ce diabolique virus qui nargue la science médicale. Se manifeste alors une sorte de solidarité planétaire, non seulement face à la maladie, mais aussi face aux malheurs économiques qu’elle entraîne pour longtemps. L’humain, ses faiblesses, ses souffrances et ses doutes envahissent les puissants et les opinions publiques.
Dans les pages qui suivent, bien que les faits rapportés soient souvent antérieurs à l’épidémie, la préoccupation de l’humain est omniprésente.
C’est directement exprimé dans le cas de la Croix-Rouge. Cette gigantesque multinationale de la charité, confrontée à une demande fortement croissante, fait feu de tout bois pour moderniser ses outils, et ses alliances.
L’apostolat de la Deep Tech consiste à proposer à des cadres quinquagénaires, à cet âge où l’on se dit que l’on sera bientôt de trop, d’entreprendre d’audacieuses aventures scientifiques et techniques, à l’image de leurs jeunes émules des start-up.
Watt&Well a développé trois départements dans des secteurs industriels différents, et même si un raisonnement purement technique suggérerait de restructurer cette organisation, la qualité actuelle du climat humain, dimension importante de la culture d’entreprise, est au cœur de sa réflexion.
L’investissement socialement responsable est caractérisé par le fait que les préalables aux choix interviennent au même titre que les considérations économiques et connaît une vogue croissante, mais se heurte à la difficulté de quantifier les effets sociaux et environnementaux.
Enfin, un document rare : un témoignage d’Arnaud Montebourg sur son passage dans une responsabilité ministérielle. Il ressort du récit de ses initiatives dans cette mission un vif souci de porter assistance aux entreprises locales qui vivifient les territoires et dont l’État se soucie trop peu.
Dans tous ces cas, il s’agit de respecter la singularité des personnes et de leurs aspirations. Pareillement, le pharaon, qui subissait les plaies de la même manière que les esclaves, s’est peu à peu avisé qu’il n’était plus le maître de la nature et s’est résolu à mettre fin aux souffrances des Hébreux.
Notre civilisation, de son côté, place l’efficacité au sommet de ses valeurs. Le coronavirus la met à rude épreuve. Peut-être sortira-t-il de cette crise une société plus fraternelle.