Exposé d’Antoine Forcinal

Après un passage par les classes préparatoires aux grandes écoles et une formation d’ingénieur en France, j’ai acquis une expérience de plus de quinze ans dans la gestion et le développement de projets énergétiques sur trois continents. J’ai été amené à produire du gaz, de l’électricité, de la chaleur à partir d’énergies fossiles en Europe, en Afrique et en Amérique du Nord pour différentes sociétés, dont les family offices des familles Perrodo et Bouygues.

Puis, en 2015, j’ai rejoint la Française de l’Énergie en tant que directeur général, avec l’objectif de créer un champion européen de la production d’énergies à faible empreinte carbone.

La France et de nombreux pays européens venaient d’adopter l’Accord de Paris et s’étaient engagés à réduire leur empreinte carbone. Or, j’ai rapidement constaté, chiffres à l’appui, que, tout au contraire, l’empreinte carbone liée à la consommation énergétique des Français ne cessait d’augmenter année après année.

Nous avons développé, depuis 2015, un certain nombre de solutions énergétiques pour limiter l’empreinte carbone des énergies fournies sur les territoires. J’aborderai ces solutions sous les angles technique, économique et stratégique.

La mission de la Française de l’Énergie : produire l’énergie de demain

La transition énergétique n’a de sens que si le prix de l’énergie à faible empreinte carbone proposé au consommateur reste compétitif. La mission de la Française de l’Énergie est de produire cette énergie de demain, une énergie compétitive à la fois sur le plan écologique et sur le plan économique.

Pour résoudre cette difficile équation, nous plaçons le circuit court au cœur de la production et de la valorisation d’énergies bas carbone. Nous substituons du gaz produit et valorisé localement à des importations de gaz de provenances lointaines (Qatar, Algérie, Russie, Norvège, gaz de schiste des États-Unis, Canada...). Cela diminue d’autant l’empreinte carbone liée à l’acheminement de ces gaz. Mieux, nous valorisons des ressources locales pour développer des solutions énergétiques à impact positif, qui permettent de réduire l’empreinte carbone des territoires. Cette énergie locale à impact positif va dans le sens de l’Accord de Paris. Elle assure également notre résilience et notre futur énergétiques.

Notre modèle intégré garantit, sur une longue durée, la fourniture de cette énergie de demain au consommateur. Ainsi, en ce qui concerne le financement, nos projets sont structurés en SPV1 et sont financés auprès de différentes sources (fonds propres, dette projet, financement participatif, subventions) tout en gardant le contrôle de nos projets. Par ailleurs, nous concevons, fabriquons, installons notre équipement et le mettons en service. Nous apportons les innovations nécessaires pour qu’il soit performant et durable. Enfin, notre implication dans l’opération des projets est totale. Nous garantissons l’exploitation et le maintien des installations sur toute la durée des contrats de production ou de vente d’énergie – des contrats à long terme, de dix, quinze ou vingt ans. Nous assumons les solutions et les innovations depuis la mise en place des installations jusqu’à leur démantèlement.

La Française de l’Énergie est une entreprise à impact positif sur l’empreinte carbone depuis 2015, alors que la plupart des entreprises énergéticiennes visent une neutralité carbone à un horizon situé entre 2030 et 2050. Des instituts allemands, français et belges mesurent et certifient l’empreinte carbone de nos énergies, depuis leur production jusqu’à leur consommation.

Nous visons conjointement deux types d’impact. Le premier est l’impact absolu : le méthane présent dans l’atmosphère a un effet de serre 80 fois2 plus élevé que celui du CO₂. Le captage et la valorisation du méthane des anciennes mines des Hauts-de-France et de Wallonie, avant qu’il ne s’échappe dans l’atmosphère, évite l’émission de l’équivalent de 600 000 tonnes de CO₂ par an à partir des 4 premiers sites installés sur le bassin par la Française de l’Énergie. Le deuxième est l’impact relatif, illustré par le cas d’un gaz de charbon en Lorraine, capté grâce à un ouvrage spécifique. Sa substitution à du gaz d’importation allège l’empreinte carbone d’un facteur 10.

Cette énergie de demain, à la fois écologique et économique, nous la proposons déjà avec le projet de Béthune. Nous offrons aux consommateurs une énergie propre, produite localement et à un tarif particulièrement avantageux. Comme nous garantissons un tarif fixe du prix de l’énergie sur une durée de deux décennies, nos consommateurs réalisaient une économie très appréciable avant même l’envol actuel des prix de l’énergie.

Cet impact économique nous distingue très fortement des autres fournisseurs d’énergie. Leurs clients n’ont pas d’incitation financière à consommer une énergie locale ou une énergie bas carbone : ils paient quelques centimes de plus par kilowattheure l’énergie verte produite ailleurs à partir d’une éolienne ou de cellules photovoltaïques.

Notre engagement dans la transition écologique est total. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques nous a guidés dans la définition de nos trois principaux axes de développement : la production d’une énergie propre et abordable, la réduction de l’empreinte carbone de la production d’énergie grâce à l’innovation, la production d’un impact fort sur le climat.

Notre portefeuille de solutions énergétiques durables

Selon nous, la transition énergétique passe par un effort commun sur l’ensemble des énergies. Aujourd’hui, nous produisons du gaz, de l’électricité et de la chaleur. Demain, nous produirons de l’hydrogène et ferons de la captation et du stockage de CO₂. Voici un aperçu de notre production actuelle ou future de ces énergies.

En ce qui concerne le gaz, nous exploitons celui issu d’anciennes mines de charbon situées dans les Hauts-de-France et en Wallonie. Nous attendons l’octroi par l’État d’une concession pour l’exploitation du gaz de charbon de Lorraine3. Enfin, nous produisons du biométhane liquéfié sur deux sites, à l’aide d’équipements que nous avons développés.

Nous produisons de l’électricité à partir du gaz de mine. Nos six sites offrent une puissance totale installée de 22,5 mégawatts. Nous finalisons actuellement la construction d’un site de production d’électricité photovoltaïque, d’une puissance de 15 mégawatts, qui entrera en production d’ici la fin de l’année, afin de répondre à la demande d’électricité en circuit court d’un de nos clients.

Nous alimentons depuis deux ans un réseau de chaleur dans l’Est de la France à l’aide d’une technologie spécifique. L’installation, d’une puissance de 2 mégawatts, représente la plus grande centrale solaire thermique de notre pays adossée à un réseau de chaleur urbain.

Nous étudions la possibilité de produire de l’hydrogène décarboné soit par pyrolyse, soit par reformage à la vapeur avec capture et stockage du CO₂. Nous comptons produire cet hydrogène bleu4 à partir de nos réserves de gaz, qui sont les plus importantes en France et en Belgique,

Le CO₂ constitue un enjeu fondamental de la transition énergétique. Nos deux sites d’exploitation du biométhane, au Royaume-Uni et en Norvège, transforment le CO₂ contenu dans le biogaz en bio-CO₂ de qualité alimentaire, sans émission de CO₂. Le projet de production d’hydrogène décarboné nous amène à étudier la possibilité de transformer le CO₂ en noir de carbone, ou encore de le stocker en l’injectant dans les veines de charbons lorrains.

L’exploitation et la valorisation du gaz de mine des Hauts-de-France

Lorsqu’ils ont cessé leur activité, les Charbonnages de France ont laissé les galeries minières des Hauts-de-France en l’état. Ces galeries, d’un diamètre moyen de 35 mètres, sont interconnectées et forment un réseau de 110 000 kilomètres environ, et elles se remplissent naturellement de gaz. Pour éviter que le sous-sol n’entre en surpression, les Charbonnages de France avaient installé 77 évents de décompression sur les points hauts du bassin minier.

Nous trouvions inconcevable que ce gaz de mine, contenant majoritairement du méthane, s’échappe dans l’atmosphère. Nous avons donc récupéré les concessions. Nous devions encore évaluer les réserves de gaz et comprendre les régimes de pression des différents réservoirs de gaz, qui apparaissent et évoluent du fait de l’ennoiement progressif des galeries par l’eau. Nous devions aussi maîtriser l’effet du captage du gaz sur les vides miniers. Si le gaz est capté trop rapidement, la dépressurisation des galeries contracte le charbon, ce qui bouche les fissures naturelles nécessaires pour acheminer le gaz désorbé des charbons déstressés dans les galeries minières. La production de gaz chute alors très rapidement, ce qui impacte l’économie du projet et réduit de manière significative les réserves.

Pour acquérir cette compréhension fine des sous-sols, nous avons modélisé les vides miniers à partir des coupes de descentes que nous ont léguées les deux cents ans d’histoire des Charbonnages de France. Les réserves de gaz ont été estimées à 3 500 millions de mètres cubes sur la partie française et à 358 millions de mètres cubes sur la partie belge du bassin, ce qui correspond respectivement à cent-trente et à cinquante ans d’exploitation, au rythme actuel de la consommation.

Notre solution sur mesure pour capter et valoriser le gaz de mine

La teneur en méthane du gaz de mine, comprise entre 50 et 60 %, ne nous permettait pas d’injecter ce dernier directement dans des réseaux de distribution. Notre connaissance de la compartimentalisation du bassin et des rythmes de désorption des charbons en contact avec les galeries minières nous a permis d’établir que nous pouvions capter et valoriser l’ensemble des émissions de gaz de mine du bassin à l’aide d’une solution unique : un équipement de cogénération5 d’une puissance de 1,5 mégawatt.

Nous avons adapté la cogénération à notre problématique du gaz de mine : nous l’avons “encapsulée” dans un container mobile, de manière à pouvoir placer un équipement de cogénération sur chaque point de captage du gaz de mine. Nos 15 centrales de cogénération fournissent aujourd’hui une abondante quantité d’énergie verte à l’ensemble des habitants du bassin minier, et même au-delà. Elles se pilotent à distance à l’aide d’un smartphone et elles fonctionnent 8 700 heures par an, sans l’assistance de personnel.

Comme cette gigantesque réserve d’énergie se situe juste sous nos centrales de cogénération, les événements proches comme la météo ou lointains comme le conflit en Ukraine n’ont aucune incidence sur la capacité de notre installation à produire cette énergie à faible émission carbone.

Grâce à cette solution sur mesure pour le gaz de mine, la Française de l’Énergie est devenue le premier contributeur à la réduction de l’empreinte carbone des Hauts-de-France.

Béthune, le projet emblématique de la Française de l’Énergie

La chaleur produite par deux centrales de cogénérations installées sur le site de Béthune est injectée dans le réseau de chaleur de la ville. L’ensemble des habitants de Béthune et des industriels reliés à ce réseau bénéficient de cette source de chaleur, ainsi que du gaz et de l’électricité produits. Le réseau de chaleur a été étendu aux communes avoisinantes, attirées par les tarifs et le taux d’énergies renouvelables (EnR) de plus de 50 % de cette énergie verte. Cette extension a permis la réduction de l’empreinte carbone non plus d’une ville, mais d’une communauté d’agglomérations.

Le deuxième impact positif est financier. Chaque foyer réalise une économie annuelle de 300 à 400 euros, contractuellement garantie sur toute la durée de la concession, qui est de vingt ans. L’économie peut même être bien supérieure lorsque les prix s’affolent comme aujourd’hui. Nous avons décorrélé nos prix de ceux du marché, puisque nous maîtrisons l’intégralité de notre business model.

Transformer le gaz de mine lorrain en hydrogène

Le charbon lorrain a été fortement fracturé naturellement, sous l’effet du travail géologique. La tectonique des plaques a comprimé puis détendu à de maintes reprises la roche de charbon, au point de la faire exploser. La perméabilité liée au réseau de fractures et de fissures naturelles permet de récupérer le gaz adsorbé à la surface du charbon, sans recourir à la fracturation hydraulique. Il suffit de pomper l’eau contenue naturellement dans ces fractures pour diminuer la pression de la veine de charbon en-deçà de la pression de désorption et libérer ainsi le gaz adsorbé.

Nous estimons les réserves de gaz à 60 milliards de mètres cubes sur le périmètre restreint de 191 kilomètres carrés du bassin du Grand Est que nous avons étudié. Sur la totalité de ce bassin, les réserves sont vraisemblablement de 150 milliards de mètres cubes, soit cinq à six ans de consommation de la France entière.

Du fait de sa composition – 96 % de méthane –, nous souhaitons valoriser ce gaz de charbon directement dans les réseaux de distribution ou le transformer en hydrogène, plutôt que de le transformer en électricité et chaleur par cogénération. Ces réserves sont très précisément situées sous le pipeline d’hydrogène en cours de construction qui reliera la France à l’Allemagne. Notre hydrogène bleu pourrait décarboner la sidérurgie allemande. Deux technologies, le vaporeformage du méthane et la pyrolyse plasma, ont retenu notre attention pour produire cet hydrogène et nous évaluons leur faisabilité industrielle sous forme de pilote.

Nous étudions aussi la possibilité de décarboner les industries situées sur le bassin lorrain en circuit court, par le biais du stockage souterrain du CO₂. Le charbon est, en effet, un excellent capteur de CO₂. De plus, son stockage souterrain accélère la libération du méthane emprisonné dans le charbon.

Nos solutions pour réduire l’empreinte carbone se renforcent lorsque nous les utilisons conjointement et en circuit court. L’exemple lorrain illustre d’ailleurs l’application vertueuse de ces circuits courts. Nous pouvons capter et stocker le CO₂ émis par un industriel lorrain, dans les veines de charbon. L’injection du CO₂ libère alors le méthane adsorbé par le charbon. Ce méthane est capté, puis “consommé” à son tour par les particuliers ou industriels, sous forme de gaz, d’électricité ou de chaleur. Il peut aussi être transformé en hydrogène. Cet hydrogène bleu, produit en grandes quantités, permettrait de réduire l’empreinte carbone de l’industrie de façon massive et d’élargir les utilisations de l’hydrogène vert, actuellement cantonnées aux solutions de mobilité urbaine.

Le bio-GNL, solution d’avenir

L’exploitation énergétique du biométhane6 s’est jusqu’à présent accompagnée d’émissions de CO₂. Le biogaz a longtemps été brûlé en cogénération, ce qui se traduisait par une émission de CO₂ et par une perte en rendement. Puis les unités de production de biogaz se sont multipliées sous l’effet de mécanismes de soutien européens. On en compte plus de 1 000 à la fin de l’année 2021 et 90 % d’entre elles injectent le biogaz épuré dans les réseaux de transport et de distribution. Or, l’épuration produit une émission de CO₂.

Aujourd’hui, les progrès technologiques et la prise en considération des émissions de CO₂ donnent la préférence à la production du bio-GNL (ou biométhane liquéfié) et de son produit dérivé, le bio-CO₂. Le bio-CO₂ est fortement valorisable en raison de ses nombreux débouchés : CO₂ alimentaire, glace carbonique, serres, matériel de construction, transport frigorifique pour ne citer qu’eux.

Le bio-GNL libère le biométhane de la contrainte des réseaux. Le biométhane produit dans des unités locales – le plus souvent des fermes éparpillées sur le territoire – est stocké sur place sous forme de bio-GNL. Comme le bio-GNL est transportable, il peut être consommé par des utilisateurs finaux non raccordés à des réseaux.

Cette solution répond aux vives préoccupations des pays scandinaves. Leurs réseaux insuffisamment développés constituent un obstacle pour l’atteinte de leurs objectifs de décarbonation en 2030. Ils soutiennent donc fortement la solution du bio-GNL par le biais d’un système réglementaire et financier très incitatif.

Le bio-GNL constitue une solution particulièrement intéressante pour la réduction de l’empreinte carbone du transport par camion ou par bateau. Ce carburant renouvelable, produit à partir de déchets de matière organique, réduit de 90 % les émissions de gaz à effet de serre du diesel et offre une autonomie de 1 500 kilomètres aux transporteurs routiers.

La solution Cryo Pur de la Française de l’Énergie

Un système de séparation et liquéfaction par cascades intégrées a été mis au point par Cryo Pur, désormais filiale de la Française de l’Énergie. Cette technologie universelle accepte en entrée le biogaz des méthaniseurs ou des décharges, puis transforme l’intégralité du méthane (CH4) et du CO₂ contenus dans le biogaz en bio-GNL et bio-CO₂. Elle permet d’atténuer les émissions de méthane des agriculteurs, des coopératives, des gestionnaires de déchets, des industriels et des producteurs de pétrole.

Cette technologie procède par une cascade de cryogénisations. Le biogaz est un amalgame de différents gaz (CH₄, CO₂, N₂, O₂, H₂S) et de différents composants (composés organiques volatils ou COV, siloxanes). Dans un premier temps, il est épuré (désulfurisation par des filtres à charbon actif). Ensuite, le système de refroidissement intégré en abaisse et en stabilise la température à différents niveaux précis. Chaque seuil de température permet de séparer et de récupérer un gaz sous forme de fluide liquide pur. Le CO₂ est récupéré à -120 degrés Celsius et il est stocké avant d’être valorisé sous forme de bio-CO₂. Le méthane est liquéfié à -160 degrés Celsius et il est expédié par camion, sous forme de bio-GNL.

La combinaison de cinq fluides frigorigènes permet d’atteindre et de stabiliser la température du gaz d’entrée aux niveaux requis pour les différentes cryogénisations. Cette technologie a nécessité quinze ans de R&D et a fait l’objet de dépôts dans huit familles de brevets. Pour autant, l’installation nécessaire au traitement du biogaz n’est guère plus impressionnante que celle d’une cogénération. L’alimentation de l’unité en fluides frigorigènes fait appel à un système classique de compression et de refroidissement des gaz.

La décarbonation de nombreuses industries passera par la technologie Cryo Pur, nous en sommes convaincus. Le process intégré permet de transformer tout gaz en entrée en différents fluides liquides purs en sortie. Sa consommation électrique est très faible et donc, son incidence sur l’empreinte carbone de l’énergie produite est négligeable. Les gaz liquides produits sont purs, alors que l’épuration de gaz bute toujours sur des problèmes de pureté des produits finaux. Les installations ne produisent aucune émission et elles ne donnent lieu à aucune fuite de méthane. La séparation physique des gaz s’opère sans consommables, à l’exception des filtres à charbon actif. Tout est recyclé, y compris les fluides frigorigènes.

Pour l’instant, nous avons déployé la technologie Cryo Pur à l’échelle industrielle sur deux sites. L’unité implantée chez un agriculteur en Irlande du Nord traite 350 Nm3/h (normo mètres cubes par heure) de biogaz brut. À partir de sa biomasse, 3 tonnes de GNL et 5 tonnes de CO₂ sont produites chaque jour. Notre unité en Norvège traite 700 Nm3/h de biogaz et produit quotidiennement 8 tonnes de GNL ainsi que 10 tonnes de CO₂ à partir de déchets de saumons issus de la pisciculture. Ces unités en exploitation démontrent notre capacité à produire une énergie très fortement décarbonée à partir de différents types de déchets organiques.


Perspectives pour la Française de l’Énergie


Cette technologie nous hisse parmi les leaders européens de la production d’énergie à faible empreinte carbone. Nous sommes encore une société de taille relativement modeste, mais notre trajectoire de développement est importante. Aujourd’hui, notre capitalisation boursière sur Euronext est comprise entre 250 et 300 millions d’euros, et nous réalisons un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros. Nous visons pour 2026 un chiffre d’affaires annuel de plus de 100 millions d’euros, avec un EBITDA annuel de plus de 50 millions d’euros. La Française de l’Énergie empêchera l’émission de l’équivalent de 10 millions de tonnes de CO₂ par an, ce qui fera d’elle une entreprise à empreinte négative d’envergure.

Débat

Les réserves de gaz de mine en France et en Europe

Un intervenant : La consommation française de gaz est de 40 milliards de mètres cubes par an. Vous estimez les réserves de gaz dans les gisements lorrains à 60 milliards de mètres cubes, soit une année et demie de consommation française. Est-ce que ce n’est pas finalement très peu ?

Antoine Forcinal : À l’échelle nationale, les réserves que nous avons étudiées ne représentent qu’un an et demi de consommation, mais à l’échelle locale, on parle de plusieurs années de consommation. L’échelle locale est la plus importante pour nous, puisque nous ne voulons pas créer d’empreinte carbone en transportant notre gaz à l’autre bout du pays. Les réserves de gaz de la totalité du bassin lorrain représentent, selon nos estimations, six à sept années de consommation française.

Int. : D’autres sites en France se prêtent-ils à l’exploitation du gaz de mine ?

A. F. : Les galeries de la majorité des anciens grands sites miniers français sont ennoyées, il reste donc très peu de gaz de mine en France. En revanche, les réserves de ce gaz sont considérables dans le reste de l’Europe.

L’ONU nous invite chaque année à présenter nos solutions d’extraction du gaz de mine dans le cadre de la conférence sur le climat. Des pays comme la Pologne et la Slovaquie voient en elles la possibilité de sortir du charbon, tout en conservant une certaine indépendance énergétique, vis-à-vis de leur voisin russe notamment. L’Europe de l’Est constitue donc un axe de développement de la Française de l’Énergie.

Exploiter le gaz de mine à l’international ?

Int. : La Chine, les États-Unis, l’Inde et la Pologne produisent du charbon dans de nombreuses mines qui fermeront un jour, si certaines ne sont pas déjà fermées. Est-ce intéressant pour vous, et si oui, y a-t-il déjà des concurrents ?

A. F. : Certains pays comme la Pologne imposent d’extraire du charbon pour avoir le droit de produire du gaz de mine. Notre business model exclut l’extraction du charbon et, par voie de conséquence, notre implantation dans ces pays, sauf à changer le cadre réglementaire. D’autres pays, comme la Chine, l’Australie, les États-Unis ou le Canada, disposent d’énormes réserves de gaz de mine et de charbon, et des acteurs en extraient déjà. Notre implantation dans ces pays est prématurée, car nous n’avons pas encore atteint la pleine capacité de production de gaz de mine dans les Hauts-de-France. Cette capacité dépasse à peine 20 mégawatts, alors que les Allemands disposent d’une puissance de production de 200 mégawatts sur un bassin plus petit que le nôtre.

Int. : La Française de l’Énergie a pour mission de réduire l’empreinte carbone. Compte tenu de l’urgence climatique, comment propager au plus vite vos solutions très astucieuses en France, en Europe, mais aussi aux quatre coins du globe ? par un système de licences, par des franchises, des partenariats ? ou bien par croissance interne, ce qui pose un problème de financement en capital ?

A. F. : Nous avons la capacité d’autofinancer nos projets de croissance, en France comme en Europe. Nous pouvons développer nos concessions françaises ou belges sans aide extérieure. Le concept de captage et de valorisation du gaz de mine est dérisqué, puisqu’il a largement fait ses preuves depuis sa mise en œuvre en 2017. L’apport en fonds propres est inférieur à 10 % et notre taux d’endettement est très faible au regard de notre activité. Nous avons restructuré le groupe de manière à allouer de la dette au niveau des projets.

Nous devons cependant maîtriser notre courbe de croissance qui ne doit pas être trop verticale. Notre activité doit, en effet, se développer sur des bases solides et saines pour affronter des retournements de marché. La crise de la Covid-19 a fait plonger le prix de l’énergie et nous avons été amenés à vendre le gaz à 5 euros le mégawattheure. De nombreuses sociétés, avec un effet de levier trop important vis-à-vis de cette énergie, ont alors fait faillite.

Pour gérer notre croissance intelligemment, nous passons des partenariats avec des énergéticiens disposant d’une assise ou d’une taille plus importante que la nôtre. En France, nous travaillons en partenariat avec Dalkia et TotalEnergies. Nous collaborons avec des sociétés capables d’industrialiser notre solution de manière plus agressive que nous. Nous leur fournissons les plans et les équipements nécessaires, mais nous opérons et nous maintenons l’installation. Cette forme de licensing enrichi correspond au type de partenariat que nous souhaitons mettre en œuvre dans un certain nombre de marchés, pour l’instant circonscrits à l’Europe.

Par ailleurs, nous ne donnons pas suite à toutes les demandes. Le Nigeria voulait nous associer à un grand énergéticien pour installer un équipement d’épuration et de liquéfaction des gaz brûlés dans les torchères, car celles-ci seront bientôt interdites, mais ce projet était trop consommateur en temps, en énergie et en ressources pour nous.

Nous avons aussi monté un partenariat avec Cooperl, la plus importante coopérative agricole et agroalimentaire de l’Ouest de la France, pour déployer notre technologie de production de CO₂ afin de répondre à l’ensemble de leurs besoins.

L’écosystème circulaire du bio-GNL

Int. : Vous approvisionnez en énergie des agriculteurs qui produisent eux-mêmes du biométhane. Avez-vous bâti un circuit économique et énergétique avec eux ?

A. F. : Nous intégrons cet écosystème circulaire dans la structuration de nos projets. Schématiquement, nous achetons le biométhane produit par l’agriculteur à partir de ses déchets, nous l’épurons et nous le liquéfions pour vendre du bio-GNL et du bio-CO₂. L’agriculteur prélève du bio-GNL pour ses propres installations, son transport, ses tracteurs. Le bio-CO₂ qui n’est pas utilisé sur place pour du stockage frigorifique est vendu aux filières de l’alimentaire ou aux filières du bâtiment et de la construction.

Cet écosystème circulaire varie selon les spécificités de chaque pays – les matières premières, les circuits, les législations et les financements diffèrent. Nous structurons les projets de manière différente selon que l’on est en France, en Irlande, en Belgique ou en Norvège.

Nous donnons une large place à l’économie circulaire dans nos projets. Nous montons les projets en sociétés dédiées (SPV). Les agriculteurs détiennent des parts de la SPV, ce qui fait d’eux de véritables parties prenantes plutôt que de simples fournisseurs. Nous conservons toutefois la majorité, puisque nous structurons l’intégralité du projet et que nous gérons les installations à caractère industriel. Nous faisons aussi appel à du financement participatif, le circuit court demeurant la meilleure solution en matière de financement.

La solution Cryo Pur

Int. : Quels sont les axes de développement de la solution Cryo Pur ? Avez-vous envisagé de faire de la méthanation7 à partir du CO que vous récupérez dans les installations de méthanisation pour augmenter la production de biométhane ?

A. F. : Le sujet de la méthanation est à l’étude sous forme de maquette, il n’est pas encore déployé à l’échelle industrielle. Notre priorité est de fiabiliser notre équipement. Nous avons deux installations en cours d’exploitation et déjà plus de 160 demandes d’installations, qu’il s’agisse d’épurer et de liquéfier du biométhane ou de capter des gaz de torchères, ou encore de traiter des gaz de fumées dans l’industrie sidérurgique. Nous travaillons actuellement sur des installations ayant un débit de 25 000 Nm3/h et même sur des installations de traitement de fumée ayant un débit de 350 000 Nm3/h. Notre technologie est capable de traiter de tels débits. Nous devons accélérer l’industrialisation de notre production d’unités pour être en mesure d’en produire dix à la fois. Cela ne nous empêche pas de travailler sur des sujets connexes comme la méthanation.

Moteurs et freins au développement de la Française de l’Énergie

Int. : Quelle est la part de la Française de l’Énergie dans la production nationale d’énergie ?

A. F. : La Française de l’Énergie représente aujourd’hui 1 à 2 % du marché énergétique français, ce qui est minime à l’échelle nationale. Notre impact est beaucoup plus important à l’échelle régionale ou territoriale. Notre entreprise de 30 employés et nos 7 sites de production ne sont pas de taille à modifier le paysage énergétique français actuel, mais nous sommes en mesure de sauver des entreprises locales en leur offrant des solutions énergétiques.

Int. : Quelles sont les sociétés concurrentes de la Française de l’Énergie en France et en Europe ? Pourriez-vous préciser leur chiffre d’affaires, leur activité, leurs installations ?

A. F. : Nous avons deux concurrents en Europe de l’Ouest, Infinis, un acteur anglais soutenu par le fonds de private equity 3I, et un organisme régional étatique allemand en charge de la gestion de l’après-mine. Ce Stadtwerke se contente de capter le gaz de mine avec une technologie de cogénération similaire à la nôtre et il n’a pas vocation à passer la frontière. Nous avons beaucoup d’échanges techniques avec Infinis, qui maîtrise mal les réserves associées à son projet puisqu’il n’a pas modélisé ses sous-sols.

La concurrence est très limitée. En France comme en Belgique, le gaz qui s’échappe du sous-sol est considéré comme une ressource nationale. Nous devons demander une concession à l’État pour exercer notre activité. L’État publie toute demande dans son Journal Officiel et dans le Journal officiel de l’Union européenne. La mise en concurrence mondiale cesse dès que l’État choisit son concessionnaire.

Nos deux concessions françaises nous ont été accordées jusqu’en 2042. Nous sommes aujourd’hui les seuls candidats à notre succession. Lorsque la concession arrivera à terme, nous serons amenés à faire un choix entre les possibilités suivantes : proroger de vingt-cinq ans la concession, nous associer à un partenaire en farm-out ou décider de rendre la concession à l’État pour nous consacrer à de nouvelles activités.

Int. : Comment la Française de l’Énergie s’articule-t-elle avec les grands acteurs de l’énergie ? Font-ils la même chose ? Est-ce que ça les intéresse ? Vous font-ils une concurrence féroce ? Comptent-ils vous racheter ?

A. F. : La Française de l’Énergie produit de 100 à 150 millions de Nm3/an. Nos actifs sont trop petits et notre production trop faible pour intéresser les grands énergéticiens. Le projet des Hauts-de-France sera toujours considéré comme un microprojet, même lorsqu’il aura atteint sa pleine puissance de production. Nous cohabitons donc avec ces grands groupes, qui mettent en œuvre de grandes visions. Ils n’ont pas nécessairement l’agilité ou le temps pour développer nos microniches, avec des projets sur mesure.

Int. : Votre cours en Bourse se situe aujourd’hui aux alentours de 50 euros. Il y a deux ans, il était de 15 euros, puis il a atteint 40 euros avant la guerre en Ukraine. Comment analysez-vous cette forte hausse, qui est antérieure à la guerre en Ukraine ?

A. F. : Nous avons créé les bases de ce qu’est actuellement la Française de l’Énergie en 2015, en reprenant les actifs français d’une société australienne. Nous nous sommes tournés vers des family offices de familles industrielles françaises, pour recapitaliser la société. Ces familles savent qu’un développement industriel se fait sur le long terme, ce qui demande des capitaux stables. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons refusé les offres des fonds de private equity, qui portaient sur 100 millions, voire 200 millions d’euros.

En 2016, nous avions besoin d’un complément en capitaux et les family offices avaient d’autres priorités. Nous avons introduit la Française de l’Énergie en Bourse, sur Euronext. Le cours de l’action a alors brutalement chuté de 27 euros à 8 euros. Le marché craignait que l’on procède à une nouvelle levée de fonds, ce qui aurait eu pour effet de diluer le capital.

Nous avons alors pris l’engagement fort auprès de nos actionnaires de ne plus lever de fonds pour réaliser le plan de développement exposé lors de l’introduction en Bourse. Le cours de l’action s’est stabilisé entre 15 et 20 euros pendant deux ans ; le marché observait notre capacité à tenir nos engagements. Nous avons levé de la dette, grâce aux obligations vertes d’Edmond de Rothschild Asset Management, à un taux attractif pour une structure de notre taille. Lorsque le marché a vu, en 2022, que la Française de l’Énergie avait réussi à atteindre un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros, avec un EBITDA de 45 %, c’est-à-dire les objectifs fixés en 2016 lors de l’introduction en Bourse, sans qu’il y ait de dilution de son capital, le cours de l’action s’est réajusté à 40 euros.

Le cours actuel de l’action, de 50 euros environ, s’explique non par la guerre en Ukraine, mais par la tension sur l’énergie prévue de longue date par les spécialistes. Nous savions que notre capacité à déployer rapidement des mégawatts modulables et décarbonés allait être très recherchée et que nos clients seraient prêts à les payer très cher.

Notre société et son business model sont complexes à comprendre, nous passons beaucoup de temps à expliquer notre modèle à nos actionnaires, aux fonds ESG (fonds gérés selon les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), mais nos performances croissantes les incitent à nous accorder une oreille de plus en plus bienveillante.

Int. : Qu’est-ce qui grippe votre développement ? Quel est aujourd’hui l’objet de vos insomnies ?

A. F. : Ce sont les ressources humaines. Nous avons ouvert le capital à l’ensemble de nos collaborateurs de manière à aligner les enjeux de chacun aux objectifs de la société. Pourtant, nous avons beaucoup de mal à recruter des ingénieurs actionnaires. Ils doivent maîtriser la technique, savoir gérer des projets, être à la hauteur de leurs nombreuses responsabilités, tout en étant actionnaires, ce qui est très compliqué. La société est trop petite pour que nous puissions commettre la moindre erreur de recrutement.

De même, nous sommes très prudents lorsque nous faisons une acquisition et nous restons très vigilants pour ne pas rater une opportunité de développement. Lorsqu’ENGIE nous a cédé ses actifs dans les Hauts-de-France, nous avions une idée précise de leur potentiel de subsurface, et donc de leur potentiel en gaz. Nous avons acquis la technologie Cryo Pur l’an passé, au bon moment, au cours d’une fenêtre de tir en décembre 2021. Quatre ou cinq groupes s’étaient positionnés depuis six mois pour racheter la société, et nous leur avons damé le pion grâce à notre agilité et notre savoir-faire.

Int. : Votre entreprise apporte des solutions formidablement efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique, mais l’État semble plutôt être un frein qu’un moteur pour le développement de votre activité. Comment cela s’explique-t-il ?

A. F. : Nous avons assiégé les pouvoirs publics, les ministères, l’Assemblée nationale. Nous avons passé en revue plus de 15 ministres de tutelle depuis toutes ces années, nous avons écrit un très grand nombre de notes destinées aux ministères de l’Économie, de la Transition énergétique, nous avons participé à la rédaction de la loi Hulot, dont le premier article prévoit une exception portant sur les gaz de mine. Néanmoins, à chaque fois que nous venons défendre nos dossiers au ministère ou à la préfecture, nous découvrons que les équipes ont changé.

L’Administration française et son inertie constituent un obstacle sur le terrain. Pour installer une centrale de cogénération, nous avons besoin d’un permis de construire, d’une autorisation de raccordement et de tout un ensemble d’autres autorisations. Nous attendons toujours, depuis la crise de la Covid-19, les autorisations nécessaires pour la mise en place de sept installations supplémentaires. L’État belge n’est d’ailleurs guère plus performant.

À l’échelle de l’État, nos solutions ne permettent de résoudre que 5 à 10 % de la problématique énergétique. Notre impact est bien plus significatif au plan régional. Les acteurs locaux, les présidents de région en sont conscients et ils exercent de fortes pressions auprès des instances nationales, ce qui peut parfois nous mettre en porte-à-faux.

Int. : Les ministères de tutelle et l’Administration n’ont pas encore compris que la solution à la transition énergétique consiste en une somme de petites choses qu’il faut traiter efficacement pour obtenir un effet cumulatif. D’autre part, trop d’élus, trop de fonctionnaires comptent sur le nucléaire pour résoudre le problème énergétique de la France. Il est temps de sortir de ce paradigme.

1. Special Purpose Vehicle, équivalent anglais du FCC (fonds commun de créances), société dédiée à un projet de développement spécifique.

2. La réglementation impose de calculer l’impact des gaz à effet de serre lors des vingt premières années de leur émission dans l’atmosphère. L’impact du méthane est 80 fois plus élevé que celui du gaz carbonique sur vingt ans, alors qu’il n’est “que” 20 fois plus élevé sur cent ans

3. Les gisements de charbon produisent naturellement du gaz (le grisou), majoritairement du méthane, qu’ils aient été jadis exploités – on parle alors de gaz de mine, qui s’échappe souvent naturellement dans l’atmosphère – ou non – on parle alors de gaz de couche, qu’il faut souvent récupérer par un forage.

4. L’hydrogène est dit bleu lorsque sa production à partir d’énergies fossiles s’accompagne de la captation et du stockage du CO₂ émis lors du processus de production. L’hydrogène est dit vert lorsqu’il est produit avec une électricité exclusivement d’origine renouvelable. Il est dit jaune lorsqu’il est produit à partir d’une électricité d’origine nucléaire.

5. Une centrale qui permet de produire simultanément deux vecteurs d’énergie, ici de l’électricité et de la chaleur.

6. Gaz produit à partir de déchets issus de l’industrie agroalimentaire, de la restauration collective, de déchets agricoles et ménagers, ou encore de boues de stations d’épuration.

7. La méthanation permet de produire du méthane de synthèse, en combinant, au travers d’une réaction chimique, de l’hydrogène avec du dioxyde de carbone ou du monoxyde de carbone.

Le compte rendu de cette séance a été rédigé par :

Erik UNGER