Éditorial

Par Thomas PARIS

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Cette déclaration historique du président Chirac a été faite en 2002, au IVe Sommet de la Terre, trente ans après la publication du rapport Meadows, début de la prise de conscience de l’urgence climatique. Pourquoi avons-nous regardé ailleurs aussi longtemps ? Était-ce du déni ? de l’inconscience ? de l’égoïsme ? Peut-être était-ce aussi un mélange de sidération et de vertige. Par quel bout prendre la question qui impose un changement profond ? Ou bien ces atermoiements masquaient-ils une approche rationnelle, qui voulait que l’on fît des études avant de définir une stratégie. Quel système énergétique ? Quels modes de transport ? Privilégier l’habitat urbain ramassé ou étalé ? De nombreuses études ont été produites, sans d’ailleurs que sur tous les sujets des consensus se fassent.

L’une des raisons à cette difficulté de s’accorder tient à l’opposition entre réalisme et idéalisme, ou, pour le dire autrement, à ce que l’enjeu auquel nous sommes confrontés impose non seulement de trouver un nouveau modèle, mais aussi de construire la transition depuis le modèle actuel. Alors que le temps presse. L’exemple le plus futile montre l’ampleur du problème. Nous avons tous un aspirateur, qui ne nous sert qu’un pourcent du temps. Sa production a consommé des ressources, son stockage consomme de l’espace. Il s’agit là d’une aberration à tous les points de vue, sauf à considérer que la propriété se justifie par la liberté qu’elle donne : je veux pouvoir être libre de passer l’aspirateur quand je le souhaite. Voire ! Pourtant, cette absurdité, et l’évidence de la solution partagée qui en découle lorsque l’habitat s’y prête naturellement – un aspirateur par immeuble, par exemple – se heurte à une forme d’impossibilité. Comment passer d’un modèle dans lequel chacun dispose d’un aspirateur à ce nouveau modèle, plus satisfaisant à titre individuel et beaucoup plus sur le plan collectif ? Cette équation-là n’a pas de solution simple. Alors que faire ? Eh bien, les plus engagés d’entre nous rangent la raison dans un placard à côté de l’aspirateur inutile, et s’attaquent au problème dans un mélange de pragmatisme et de créativité, au son de l’égrènement du tic-tac de deux horloges, celle de la vie d’une start-up et celle de l’urgence climatique.

Notre enjeu commun est un problème systémique. On peut avoir toute la bonne volonté du monde, mais elle doit composer avec une culture, des normes, des référentiels, un cadre cognitif et même des infrastructures matérielles. Ce sont la propriété privée, tellement structurante dans nos cultures, quand il faudrait favoriser les solutions de partage, l’absence de prise en compte de la fin de vie des produits dans leur développement, l’importance des parkings dans les modèles économiques des aéroports, la configuration des réseaux électriques, peu adaptés à l’arrivée massive des énergies renouvelables, ou, simplement, la culture de l’innovation dans laquelle nous nous sommes installés depuis plusieurs décennies, en en oubliant parfois le sens.

Dans ce numéro, on voit que la transition est en marche dans beaucoup d’entreprises. Agir face à toutes ces difficultés suppose de passer des solutions simples aux solutions complexes, en composant avec de nouvelles contraintes que l’on accepte de s’imposer. Nous venons d’une économie de la ligne de plus grande pente, nous devons basculer dans une économie qui tienne compte du temps long et des effets induits : penser la fin de vie des produits, prendre en considération les effets sociaux, mettre en place des filières de collecte au lieu de s’approvisionner auprès de fournisseurs uniques… 

Notre maison brûle et, longtemps, nous avons regardé ailleurs. Nous regardions ailleurs parce que nous ne savions pas, ou ne croyions pas, parce que nous ne savions pas faire, ou parce que l’ampleur du chantier nous donnait le vertige. Notre maison brûle et de plus en plus d’entreprises regardent au loin, regardent autour d’elles, regardent leurs pratiques pour les faire évoluer.

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