L'Accélérateur du monde d'après de l'École de Paris du management
Par Alain Busson, Dominique Centlivre, Sihem Jouini, Thomas Paris et Marie-Laure Rigal
Il y a, d'un côté, le GIEC qui égrène de façon régulière ses rapports alarmants, nous rappelant que le temps passe, que le compte à rebours est bien avancé, que le moment fatidique de l’irréversibilité d’un basculement vers une planète invivable se rapproche. De l’autre, des initiatives qui se multiplient et sont annoncées comme autant de victoires sur l’inconséquence ou l’immobilisme, des initiatives menées sur différents fronts, ceux des entreprises, des États, des technologies, des associations, des citoyens.
Accélérer dans la prise d’initiatives multiples
Une course contre la montre est engagée, et elle divise. Elle oppose les optimistes aux pessimistes, les collapsologues aux techno-solutionnistes, les lobbyistes aux militants, les chantres de la croissance aux convaincus de la décroissance… Ces divisions sont stériles, dangereuses même, car elles nous détournent de notre objectif commun. Nous n’avons pas le temps de choisir notre camp, car au bout de la course est le néant. Il faut accélérer. Accélérer dans la prise d’initiatives multiples, sans perdre de temps à se demander si le salut viendra des citoyens, des associations, des entreprises, des États ou de la technologie. Il faut densifier les bribes de transformation qui naissent de tous côtés.
La finitude s’est invitée dans la marche du monde : elle concerne la limitation des ressources naturelles, celle de la capacité d’absorption par la Terre des scories de nos activités et celle du temps qu’il nous reste pour agir. Cette immixtion bouleverse tout. Tout scientifique sait que les conditions aux limites changent radicalement les solutions d’une équation. Cela implique notamment une obsolescence des outils élaborés par les économistes pour penser le monde.
La limitation des ressources et le compte à rebours nous imposent donc de penser le monde en même temps que le reconstruire. Cette nécessaire conjonction amène des défis nouveaux. D’une part parce qu’un fossé s’est creusé entre ceux qui font et ceux qui pensent ou régulent ; il s’agit aujourd’hui de le combler. D’autre part parce que si l’appréhension du monde a souvent opposé les approches utopiques, orientées par un horizon souhaitable, à celles qui refusent l’irréalisme des premières, le renoncement aux utopies et la consécration d’une forme de pragmatisme porte néanmoins une idéologie sous-jacente en consacrant le primat de l’individualisme. Une troisième voie est non seulement possible, mais certainement nécessaire face aux tensions croissantes de notre monde, une troisième voie qui ne nie pas le réel et les dynamiques sociales, mais qui ne renonce pas pour autant à y incorporer la vision d’un monde souhaitable. La question n’est plus celle du dirigisme ou du laisser-faire, mais celle de la libération des énergies dans une direction qui soit pensée.
De nombreuses initiatives se multiplient sur le terrain et constituent autant de signes d’espoirs. Au-delà du constat de l’insuffisance de leur nombre pour nous ramener dans une trajectoire compatible avec les enjeux environnementaux, elles soulèvent de nombreuses questions : dans quelle mesure peuvent-elles voir leur impact accru ? quelles interférences ont-elles avec les enjeux des inégalités, de l’organisation de la démocratie, des systèmes productifs ? comment les favoriser et faire en sorte que leur densité leur permette de faire système et d’entraîner un changement de paradigme ?
Penser le monde en même temps que le reconstruire
Les réponses qui seront apportées à ces questions impliqueront des modèles de société très différents. Se dessinent par exemple deux grandes options : d’un côté, celle de la cohabitation d’une économie de la production, coûte que coûte, selon les modalités actuelles de compétition et de maximisation du profit, et d’une économie de la réparation qui atténue ou supprime les effets collatéraux, environnementaux ou sociaux de la première ; de l’autre, celle d’une économie dans laquelle tous les acteurs intègrent les logiques sociales et environnementales. On ne peut dire aujourd’hui si le réalisme et l’urgence plaident pour la première ou pour la seconde. Faut-il promouvoir une économie sociale et solidaire spécifique ? Dans quelle mesure une approche plus intégrée est-elle réaliste ?
De même, beaucoup de réponses apportées se fondent sur une approche locale, intégrant dans leur déploiement des enjeux propres au territoire et à ses habitants – l’emploi, la résorption des inégalités, les ressources spécifiques… Elles interrogent notre économie – le monde d’avant – dans le poids qu’elle accorde aux approches centralisées et aux solutions déployées à grande échelle, que ce soit via de grandes entreprises ou des États. La mise en avant de solutions locales paraissant vertueuses interroge tout autant la réalité de ces espoirs, les enjeux liés à leur densification – qui n’est pas nécessairement passage à l’échelle –, que les grandes catégories constitutives de notre économie : la croissance, la liberté, la concurrence, la propriété privée…
Le chantier qui nous attend, nous le savons, est immense.
Une plateforme ouverte pour accélérer et comprendre, densifier et coconstruire
L’Accélérateur du monde d’après, développé au sein de l’École de Paris du management et inscrit dans sa tradition, entend contribuer aux enjeux majeurs de l’accélération de ces prises d’initiatives et de leur intégration dans un modèle global. L’Accélérateur s’appuiera sur un séminaire de mise en discussion d’initiatives diverses visant à répondre aux enjeux de la transition. Il aura vocation à les éclairer et se dotera de deux objectifs supplémentaires : accompagner les porteurs dans le développement de leurs projets et contribuer à l’élaboration du monde d’après qui pourrait en résulter, dans sa dimension conceptuelle. Il entend ainsi accélérer la naissance du monde d’après, en assumant une approche de coconstruction conceptuelle et pragmatique.
Plateforme ouverte à ceux qui souhaitent contribuer à l’élaboration collective du monde d’après, il s’appuiera par ailleurs sur la mise à disposition de ressources diverses, relatives à ces multiples expérimentations.