Exposé de Dominique Niel

Les Ateliers de France (ADF), qui comptent 250 actionnaires et 2 700 salariés, rassemblent 56 PME (petites et moyennes entreprises) aux tailles et aux métiers variés, dont 24 implantées à l’étranger. La plus petite d’entre elles, 6ixtes, fabrique des interrupteurs électriques sur mesure assortis aux poignées de portes pour le château de Versailles, pour 1,3 million d’euros de chiffre d’affaires annuel ; la plus grande, Atelier Chevalier, fait de la taille de pierre et de la maçonnerie pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, le Grand Palais ou l’Arc de Triomphe, pour un chiffre d’affaires annuel de 85 millions d’euros. Toutes nos entreprises sont indépendantes : chacune est inscrite au registre du commerce et des sociétés, possède ses propres comptes en banque et services de paie, et procède à son propre recrutement. Leur capital, en revanche, est toujours possédé en majorité par ADF, puis réparti en fonction de l’histoire de chacune. Notre attractivité tient notamment au fait que nous proposons aux sociétés un certain nombre d’avantages et de garanties : le collectif permet d’assurer l’emploi et de sécuriser le carnet de commandes, la holding protège les entreprises qui, en cas de difficultés, sont soutenues par un accompagnement et des plans de financement.

Une grande diversité de métiers

Le Groupe réunit une incroyable variété de compétences, tels la restauration de décors, le staff, les charpentes, les menuiseries extérieures, les enduits décoratifs, les agencements intérieurs, la ferronnerie, etc. La structuration de nos entreprises se fait autour de pôles métiers. Nous distinguons d’abord les travaux techniques (avec nos sociétés d’électricité, de plomberie, de chauffage, de ventilation, de climatisation, etc.) de tout ce qui concerne le clos couvert autour de la maçonnerie, de la taille de pierre, des menuiseries extérieures ou des restaurations de façades, ce qui inclut les sculptures ou les trophées sommitaux. Plusieurs entités du Groupe sont dédiées à ces travaux, qui prennent des formes diverses. Ainsi, pour un hôtel de luxe dans un pays tropical, il faut une charpente moderne en lamellé collé ; à l’inverse, la charpente de Notre-Dame de Paris, en chêne, a été taillée manuellement à la hache par les Ateliers Perrault, puis levée par Paris Charpente, deux entreprises des ADF. Si certaines de nos sociétés peuvent paraître concurrentes, elles sont en réalité complémentaires, dans le cadre d’un marché varié.

Un autre pôle réunit nos activités liées au marbre et à la pierre, qu’il s’agisse de revêtements de sol, de salles de bains de palace, mais aussi de façades d’immeuble.

Nous avons également un pôle dédié aux aménagements intérieurs des yachts et des résidences de luxe, et qui produit spécifiquement tous les éléments fixés aux murs intérieurs, tels les bars, les bibliothèques ou les dressings.

Le pôle métal réunit la ferronnerie, les portails d’entrée de châteaux, les garde-corps, les vitrines en laiton ou les verrières.

Le pôle bois a la charge des parquets, des menuiseries sculptées, pour des rendus tantôt très travaillés, à l’image de ce qui se faisait au XVIIe siècle, ou plus modernes et épurés, mais constitués d’essences rares et précieuses, par exemple pour les suites de l’hôtel Cheval Blanc Paris, à la Samaritaine.

Le pôle décors compte tout ce qui concerne le staff et les décors sculptés des plafonds.

Un pôle spécifique a été fondé pour nos activités à New-York, car cette ville, du fait de ses caractéristiques architecturales, propose des chantiers particuliers, qui nécessitent une entité dédiée.

Enfin, nous avons créé un pôle entreprise générale, autour de nos missions réalisées en tous corps d’état. En effet, nous suivons, depuis six ans et par un heureux hasard d’opportunités, des chantiers globaux, comme le font les grandes entreprises que sont Vinci, Eiffage ou Bouygues. Notre différence majeure est que nos équipes coordonnent l’intégralité des chantiers en main-d’œuvre propre, c’est-à-dire en sous-traitant les tâches aux maisons de notre Groupe, qui couvrent toute la gamme de métiers, du gros œuvre jusqu’aux décors peints. Nos premières missions tous corps d’état ont été de tels succès que nous avons créé l’entité ADF London, qui vient de restaurer un ensemble de pièces du Ritz à Londres, ainsi qu’une partie de l’hôtel The Peninsula. L’entreprise générale parisienne (ADF Paris) s’est, elle aussi, développée autour de projets d’hôtels particuliers et d’appartements. Aujourd’hui, ce sont ces sociétés qui répondent aux appels d’offres tous corps d’état et qui, ensuite, consultent les entreprises du Groupe pour la réalisation des travaux. Ce nouveau volet de notre activité permet aux Ateliers de France d’être présents aux États-Unis, au Brésil, en Suisse, et même en Ukraine.

Des projets d’exception

En tant que PME, nous connaissons notre fragilité, qui nous incite à saisir toutes les opportunités et à diversifier nos activités autour de projets variés et de toutes tailles. Ainsi, nos clients peuvent aussi bien être des entreprises – pour des palaces, des hôtels ou des restaurants – que des personnalités privées – pour des résidences particulières ou des institutions publiques. Pour ces dernières, notre principe est simple, nous répondons à tous les appels d’offres de nos partenaires que sont l’Oppic (Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture), le Centre des monuments nationaux, les établissements de la Ville de Paris ou les autres acteurs territoriaux. Travailler sur le patrimoine historique, qui requiert un haut degré de qualification, permet à nos compagnons de conserver et de développer leurs savoir-faire. Récemment, nous avons déployé nos entreprises sur différents projets : la restauration de Notre-Dame de Paris, dont nous venons d’achever le dallage intérieur ; la rénovation de la nef du Grand Palais pour l’accueil des Jeux olympiques de Paris 2024 ; la peinture de la tour Eiffel, du grand foyer et des masques sculptés de la façade de l’opéra Garnier, des menuiseries du château de Chambord, des décors peints de la cathédrale d’Alès ; ou encore la pierre de taille de l’aqueduc de Roquefavour… En Angleterre, nos entreprises, dotées de l’accréditation royale (Royal Warrants), ont restauré le patrimoine britannique, par exemple à Buckingham Palace, au British Museum ou à la National Gallery. Aux États-Unis, nous avons restauré le bureau ovale de la Maison-Blanche lorsque Barack Obama était président.

Nous travaillons aussi régulièrement avec des entreprises privées pour la rénovation de leur patrimoine historique ou très haut de gamme, en lots séparés ou en tous corps d’état. Ainsi, nous avons réalisé des projets à Paris pour le George V ou le Shangri-La, à Évian pour le Royal Hôtel, à Bucarest et à Monaco pour les hôtels Corinthia. Beaucoup de grandes enseignes de luxe nous accordent aussi leur confiance, comme Boucheron, place Vendôme, Moncler, sur les Champs-Élysées, ou les boutiques Cartier, dans le monde entier. Nous sommes également présents auprès de restaurateurs, par exemple avec les Cafés Lapérouse, ou récemment auprès du chef Jean-François Piège, pour qui nous avons réalisé l’exceptionnelle verrière de son restaurant parisien. Enfin, nos activités auprès de clients privés s’organisent également autour de yachts et de résidences particulières, notamment à Londres, où beaucoup de milliardaires ont un pied à terre. Ce sont généralement nos décorateurs, attachés à certaines familles, qui nous permettent de suivre ces dernières sur leurs différentes résidences en Europe, aux États-Unis, au Maroc ou au Moyen-Orient.

Qualité et pérennité

Parmi les 2 700 collaborateurs que comptent les Ateliers de France, 2 200 sont des compagnons. Ils exercent 55 métiers dans 30 ateliers. Nous nous fédérons autour d’un certain nombre de valeurs, qui nous caractérisent et sont la clé de notre réussite. La première de ces valeurs est le goût du travail bien fait, autour des notions de qualité et d’excellence. Nous ne laissons jamais un ouvrage imparfait ou inachevé et le remettons sur le métier jusqu’à ce qu’il soit conforme aux règles de l’art. Nous sommes persuadés qu’avoir cette image de qualité est primordiale, car c’est l’élément essentiel qui sauvera toujours une entreprise en difficulté. Nous attachons également beaucoup d’importance à la connaissance historique, associée aux exigences de la modernité. Ainsi, de nos compagnons à notre personnel encadrant, tous doivent avoir des références techniques et historiques relatives aux métiers. Ils doivent savoir expliquer aux clients comment les choses étaient faites par le passé, mais aussi pourquoi elles peuvent être améliorées tout en restant fidèles à leurs origines. Nous tenons aussi à ce que les chantiers soient réalisés dans le plaisir, tant pour les artisans que pour les clients. Pour cela, nous respectons évidemment nos engagements en matière de délais et de sécurité. Enfin, nous avons un mantra selon lequel « ne pas transmettre est voler ». Dans ces métiers, où il y a une forte culture de l’oralité et peu d’écrits, ce qui ne se transmet pas se perd. C’est la raison pour laquelle nous tenons à recruter de nombreux apprentis. Par exemple, l’Académie Perrault et l’Atelier Mériguet-Carrère reçoivent, chaque été, une quinzaine de jeunes. Il est de notre devoir d’éveiller l’intérêt pour ces professions, de participer à des formations de qualité et de veiller à la transmission des savoirs.

Un modèle de développement solidaire

Nous n’avons jamais souhaité entrer dans une course au chiffre d’affaires, mais fournir un travail de qualité, à même de nous faire gagner de nouveaux chantiers. Cela dit, notre chiffre d’affaires est en augmentation constante. Ainsi, en 2018, il était de 135 millions d’euros et a atteint, en 2023, 570 millions d’euros. Entre-temps, nous avons étoffé nos équipes au niveau central, la direction générale étant passée de 2 à 15 personnes, mais aussi procédé à des économies globales grâce à une optimisation des supports et par le biais d’achats groupés. Concrètement, nous proposons à nos sociétés un accompagnement qui ne se substitue jamais à leur gouvernance. Concernant les questions de sécurité, par exemple, nous donnons des objectifs en central : nous surveillons les taux d’accidents grâce à un tableau de bord, nous proposons des formations destinées à tous... Ensuite, chacun est responsable, d’autant que les métiers engagent des risques différents. De même, nous proposons à nos sociétés un accompagnement avec un juriste et un responsable des ressources humaines présents en interne dans le Groupe. Nous essayons de favoriser les mobilités au sein des Ateliers de France, que ce soit entre les entreprises générales ou les sociétés. Cela permet d’approfondir la connaissance des métiers, de mieux anticiper les difficultés des chantiers et de fidéliser les travailleurs. Néanmoins, les patrons des entreprises ont chacun leur propre référent RH, car ils restent maîtres chez eux.

Nous avons aussi grandi grâce au rachat d’entreprises. Au gré des opportunités, en France comme à l’étranger, nous ne nous interdisons jamais de créer des structures de toutes pièces, comme nous l’avons fait avec Atelier Premiere, à New-York, pour la peinture des bureaux de Barack Obama. Notre philosophie est de décrocher des projets, puis de nous donner la possibilité de les réaliser, ce qui développe notre réactivité et notre adaptabilité. Cela crée un cercle vertueux, au sein duquel les clients des anciennes entreprises deviennent ceux des nouvelles qui, elles-mêmes, engrangent de nouveaux prospects pour les autres.

Aujourd’hui, notre objectif est double. D’une part, nous voulons soutenir et accompagner nos petites entreprises pour qu’elles grandissent et gagnent en solidité. Il faut pour cela que leurs dirigeants acceptent d’être guidés et de déléguer davantage, ce qui n’est pas toujours évident dans ces métiers où ils sont habitués à être au plus près de leurs projets. Nous voulons, d’autre part, développer la division Entreprise générale du Groupe, qui nous permet de donner du travail à nos sociétés et de nous faire connaître comme prestataires de qualité. Nous sommes forts de nombreux atouts, notamment liés à la pluridisciplinarité de nos entreprises et à la qualité de leurs savoir-faire. Notre surface financière et notre fonctionnement nous permettent, quant à eux, de faire des économies collectives, mais aussi de croiser nos portefeuilles clients autour d’événements commerciaux communs et de partages divers (fournisseurs et partenaires). Pour cela, nous réunissons, plusieurs fois par an et en présentiel, nos chefs de sociétés françaises ou de proximité (Angleterre ou Suisse). Ils aiment se rencontrer, certains ayant noué des relations fortes. Nous leur proposons des sujets de discussion à même de les aider, par exemple autour de l’optimisation de leurs outils informatiques, d’opportunités d’appels d’offres communs pour constituer des centrales d’achat, etc. Nous organisons aussi des visites d’ateliers, qui permettent aux uns et aux autres de voir comment chacun travaille. Cette solidarité est la clé de l’ensemble.

Débat

Stratégie : passion et qualité

Un intervenant : Comment choisissez-vous les entreprises qui vous rejoignent ? Envisagez-vous un point limite d’accroissement ?

Dominique Niel : Nous sélectionnons les sociétés par passion et en fonction de leurs métiers. Bien qu’il ne soit pas problématique d’avoir plusieurs entreprises qui travaillent dans un même domaine, nous essayons aussi d’arriver à une palette plus complète de compétences : il nous faudrait, par exemple, plus de couvreurs. Cela dit, nous ne sommes pas dans une course à l’expansion. Nous restons, en effet, un groupe familial, que nous dirigeons mon frère et moi, et qui cherche patiemment à s’améliorer, sans se projeter dans de grands plans stratégiques. Ce sont plutôt les entreprises qui viennent à nous et nous prenons la décision de les agréger au Groupe lorsque leur travail nous intéresse. Nous avons à cœur de mener une aventure collective, ce qui semble fonctionner puisque nous n’observons pas de départs !

Int. : Comment faites-vous adopter cette exigence de qualité à l’ensemble des sociétés du Groupe ?

D. N. : Nous travaillons dans un environnement très concurrentiel, qui rend le marché assez simple, puisque si les ouvrages sont inachevés ou de mauvaise qualité, les contrats ne sont pas renouvelés. Notre philosophie est donc claire : ne jamais laisser quelque chose qui ne satisfait pas pleinement. Je relaie personnellement, chaque jour, les préoccupations d’architectes en chef des monuments historiques ou de clients auprès de nos entreprises afin d’assurer la qualité des travaux. Mon objectif est évidemment que cela arrive de moins en moins, raison pour laquelle nous organisons, à l’accueil de chaque nouvelle société, un séminaire d’intégration dans lequel nous évoquons l’importance de cet état d’esprit général.

Une spécificité française

Int. : Avez-vous des concurrents, en France ou à l’étranger, qui proposent une offre similaire à la vôtre ?

D. N. : Nous sommes, à ma connaissance, assez uniques. Je pourrais mentionner le groupe Aurige, plus ancien que le nôtre, qui, parti de la taille de pierre, s’est diversifié en reprenant des entreprises de charpenterie et de menuiserie. Cela dit, il n’est pas vraiment comparable, car il travaille essentiellement sur le clos couvert et uniquement en France, alors que nous avons une dimension internationale forte. De même pour le groupe Hérige, issu du monde de la décoration, qui fait maintenant de la menuiserie et de la ferronnerie, en France également. Concernant le tous corps d’état, certaines entreprises générales ont, quant à elles, créé des entités qui nous ressemblent, comme Bouygues avec Rénovation Privée ou Vinci avec Plendi. Bien que nous soyons régulièrement en concurrence avec eux, nos modèles diffèrent : ils sous-traitent ensuite les projets alors que nous les réalisons avec nos propres maisons. Leur objectif est de dégager d’importantes marges, le nôtre est de faire travailler nos entreprises. Le paysage est assez similaire à l’étranger.

Int. : Est-ce à dire qu’il y a un véritable savoir-faire français qui ne saurait être répliqué ?

D. N. : Il existe des savoir-faire étrangers également remarquables ! L’Angleterre, par exemple, forme des staffeurs très compétents pour faire ce que l’on appelle du stuc marbre, qui est un enduit qui donne une illusion parfaite de marbre. De même, ce pays compte d’excellents doreurs. Il est cependant incontestable que l’image de la France, qui est très bonne, joue un rôle important. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons choisi de nous rebaptiser Ateliers de France, notre ancienne appellation, Mériguet, ne rendant pas compte de ce savoir-faire français, qui séduit dans le monde entier. L’idée que la France détient un certain sens du bon goût et qu’elle propose quelque chose de différent est présente partout.

Stimuler et entretenir l’emploi et le savoir-faire des compagnons

Int. : Les compagnons que vous employez ont-ils tous été formés dans la tradition, autour de la réalisation de chefs-d’œuvre ou d’un tour de France des savoirs ?

D. N. : Le terme compagnons désigne, de façon générique, les ouvriers qui travaillent sur les chantiers des monuments historiques. Ceux qui participaient à la restauration de Notre-Dame de Paris venaient, par exemple, de nos entreprises. Cela dit, ces dernières ne recrutent pas uniquement des ouvriers issus des CFA (centres de formation d’apprentis) : beaucoup ont appris en travaillant, ce qui ne les empêche pas d’être très doués. Le titre n’est pas le seul garant du talent. La plupart de nos entreprises disposent toutefois du label EPV (entreprise du patrimoine vivant), qui garantit des niveaux de qualification très élevés.

Int. : Les compagnons, souvent imprégnés par l’histoire et la tradition, sont-ils pareillement motivés par les chantiers des monuments historiques que par les projets de milliardaires internationaux ?

D. N. : La plupart d’entre eux aiment la variété des projets. En effet, si le travail sur des monuments historiques est passionnant, il peut être difficile et harassant. De plus, il faut distinguer les questions de goût et de technicité. Si le premier peut varier en fonction des individus, la seconde reste la même. Par exemple, lorsque l’on repeint du mobilier, une couleur apparente peut en cacher plusieurs autres, en fonction de l’effet de vieillissement voulu, des transparences recherchées, etc.

Int. : Comment parvenez-vous, dans ces conditions, à assurer le recrutement et le déploiement de compagnons sur l’ensemble de vos projets ?

D. N. : Nous n’avons pas de difficultés à recruter sur les très beaux projets, notamment ceux concernant des monuments historiques. Pour la rénovation de l’hôtel Lambert, sur l’île Saint-Louis à Paris, nos boîtes aux lettres débordaient de candidatures ! D’ailleurs, beaucoup de compagnons sont indépendants et préfèrent ne pas être attachés à une entreprise, de façon à pouvoir se déplacer dans toute la France, voire dans le monde, au gré des opportunités. Ils viennent alors s’ajouter aux 2 200 compagnons que compte le Groupe lorsque nous avons des besoins de main-d’œuvre supplémentaire.

S’inscrire dans un marché

Int. : Pourriez-vous nous indiquer les pourcentages de résultats de vos sociétés et, de façon plus générale, nous dire quelle est votre part d’investissements ?

D. N. : Notre part d’investissements se situe autour d’une dizaine de millions d’euros annuels. Elle est assez faible et se concentre principalement sur nos ateliers, qui requièrent des renouvellements réguliers de matériel. Ce chiffre va progressivement augmenter du fait des objectifs de décarbonation. Concernant les résultats, notre outil de mesure, dans le BTP, est la marge brute ou EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortisation). Notre objectif, ambitieux, serait d’atteindre 10 % d’EBITDA. En réalité, il varie selon nos entreprises, celles-ci étant plus ou moins profitables : certaines dégagent jusqu’à 20 % d’EBITDA, d’autres en dégagent autour de 3 % ou 4 %.

Int. : Les marchés privés vous permettent-ils de faire de meilleures marges que les marchés publics ?

D. N. : Les chantiers publics sont souvent plus difficiles, car leurs appels d’offres sont plus larges, ce qui génère plus de concurrence. Il faut donc être le moins cher pour l’emporter. La difficulté est de se situer face à ceux qui postulent avec des prix anormalement bas et qui ne pourront ensuite pas réaliser ce qu’ils ont promis. Il est donc certain que les marchés publics sont moins profitables. C’est cependant une balance : ils sont souvent plus prestigieux et présentent davantage de garanties. Il faut savoir qu’il n’est pas rare qu’une entreprise privée ne solde pas l’intégralité de son dû ! De façon générale, nous essayons de gagner le plus de marchés possibles.

Int. : Ne craignez-vous jamais, à l’inverse, d’avoir plus de travail que vous ne pourriez en absorber ?

D. N. : Un chantier est toujours une chance. Le principe, pour tous ceux qui ont un peu d’expérience, est le même : gagner un appel d’offres, s’organiser ensuite. Il est toujours possible de travailler plus, d’engager des intérimaires, des indépendants, de sous-traiter des portions, etc. Les maîtres-mots sont la débrouille et l’agilité.

Int. : Comment les entreprises s’adaptent-elles lorsque le marché est moins actif ?

D. N. : Il peut être question d’ajuster les prix en fonction de l’activité. Le grand luxe, lui, fonctionnera toujours. Néanmoins, nous savons par exemple que nous allons entrer, pour les marchés publics, dans une période moins faste après les Jeux olympiques de Paris 2024. C’est la raison pour laquelle nous invitons nos entreprises à se diversifier au maximum. Ateliers Perrault, notre société qui réalise des charpentes monumentales, fait aussi des menuiseries intérieures et des fenêtres, ce qui, dans le cadre de la rénovation énergétique de la France, lui permettra de se maintenir si aucun autre grand chantier d’envergure ne se présente. Avec Atelier Chevalier, nous avions, une année de faible activité, répondu à un appel d’offres pour de la logistique de chantier. Nous ne connaissions rien à ce métier ! Or, nous l’avons emporté et nous nous sommes lancés dans les tourniquets, les bennes, les badges d’entrée, etc. Cela nous a permis d’ajouter une corde à notre arc et a représenté 20 % de notre chiffre d’affaires pendant cinq ans. Il ne faut avoir peur de rien !

Le compte rendu de cette séance a été rédigé par :

Ève MASCARAU